Le gouvernement malien a annoncé, jeudi 4 septembre, avoir déposé une requête introductive d’instance contre l’Algérie auprès de la Cour internationale de justice (CIJ). En cause : la destruction, le 1er avril dernier, d’un drone militaire malien par les forces algériennes, que Bamako qualifie d’« acte d’agression » et de « violation manifeste du droit international ».
Le ministère malien de l’Administration territoriale dénonce une série d’« actes hostiles » allant jusqu’ à accuser Alger de “collusion” avec les terroristes. L’Algérie a rejeté ces accusations en insistant sur le fait que, les données radars du ministère de la défense « établissent clairement la violation de l’espace aérien de l’Algérie » par un drone de reconnaissance venu du Mali.
L’incident s’est déroulé dans un contexte tendu marqué par des exactions contre les populations civiles qui se sont réfugiées en nombre en Algérie. Depuis cet incident, les deux pays ont rappelé leurs ambassadeurs respectifs et fermé leur espace aérien mutuel, accentuant une rupture diplomatique déjà amorcée par la dénonciation, en janvier 2024, par Bamako de l’accord de paix d’Alger signé en 2015.
Une sortie contre-productive de l’accord d’Alger
Alger n’a pas encore réagi à cette saisine qui a tout l’air d’être une diversion politique de la junte malienne qui, en choisissant de sortir du cadre de l’accord d’Alger et en considérant les organisations Targuies parties à l’accord, comme des “terroristes”, a aggravé la situation sécuritaire.
Le choix militariste ne réussit pas à Bamako qui multiplie les accusations alors que la situation sécuritaire sur son territoire continue de se détériorer. Les groupes djihadistes affiliés au JNIM (lié à Al-Qaïda) et à l’État islamique ont intensifié leurs attaques, notamment dans les régions de Mopti, Ségou et Gao. Les civils sont pris pour cible, les convois humanitaires sont régulièrement attaqués, et les forces armées maliennes peinent à contenir l’insurrection.
Malgré le déploiement de l’Africa Corps — entité paramilitaire russe succédant au groupe Wagner — les résultats ne sont pas probants. Les violences persistent, les zones rurales échappent au contrôle de l’État, et les mercenaires russes sont accusés de violations des droits humains par plusieurs ONG internationales.
Une saisine à l’issue incertaine
En saisissant la CIJ, une démarche à l’issue juridique très incertaine, Bamako est dans une forme de diversion politique. Pour rappel, la CIJ ne peut instruire un différend que si les deux parties reconnaissent sa compétence. Or, rien n’indique que l’Algérie va accepter cette compétence. Sans un accord bilatéral ou une clause prévoyant cette saisine dans un traité, la procédure pourrait être bloquée.
Le fond du problème est une divergence totale sur la manière de gérer la crise. Alger a rejeté le recours à la voie militaire et au recours au mercenaires russes. Elle considère que la présence de l’Africa Corps, en remplacement du groupe Wagner, ne change pas la donne et compromet toute perspective de dialogue, seule issue, à la crise . L’approche d’Alger est en total décalage avec la stratégie sécuritaire du Mali, qui semble s’enliser dans une logique de confrontation.