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Le Maroc peut-il s’affranchir de sa dépendance au gaz espagnol?

Par Maghreb Emergent avec El Confidencial
1 mai 2025

Le Maroc ne veut plus dépendre de l’Espagne pour son approvisionnement en gaz. Le ministère marocain de la Transition énergétique vient de lancer un appel d’offres pour construire une usine flottante de stockage et de regazéification (FSRU) près du nouveau port de Nador Ouest Med, comme révélé par le quotidien espagnol El Confidencial.

Tout a basculé en octobre 2021. L’Algérie, en pleine crise diplomatique avec Rabat, a fermé le gazoduc Maghreb-Europe qui traversait le territoire marocain pour alimenter l’Espagne. Ce pipeline permettait au Maroc de prélever une partie du gaz pour ses centrales de Tahdart et Ain Beni Mathar, qui représentaient alors 97% de sa consommation nationale.

Pour sortir de l’impasse, le Maroc a dû se tourner vers l’Espagne après leur réconciliation en avril 2022. Une solution de fortune: acheter du gaz naturel liquéfié sur le marché international, le faire regazéifier en Espagne, puis l’acheminer à travers le même gazoduc Maghreb-Europe, mais fonctionnant désormais en sens inverse. Ce dispositif a fait du Maroc le principal client gazier de l’Espagne en 2024, avec 886 millions de mètres cubes importés – plus du quart des exportations espagnoles.

Un plan en trois temps pour l’indépendance

“Nous ne pouvons pas rester dans cette situation de dépendance”, a déclaré Leila Benali, ministre de la Transition énergétique, devant le Parlement marocain. Selon elle, le pays aura besoin de 8 milliards de mètres cubes de gaz d’ici 2027 pour soutenir son industrie.

La stratégie marocaine d’indépendance gazière se déploie en trois phases clés. La première phase consiste à installer l’usine FSRU à Nador et à la connecter au réseau gazier existant. Une seconde installation similaire est prévue à Jorf Lasfar ou Mohammedia. Cette approche s’inspire du modèle lituanien qui, en 2014, a été parmi les premiers pays européens à se doter d’une telle installation pour échapper à la dépendance énergétique russe. Dans une deuxième phase, le Maroc prévoit la construction d’un gazoduc de 1 120 kilomètres le long de la côte atlantique jusqu’à Dakhla, au Sahara occidental, où une troisième unité de regazéification sera développée. La troisième phase ambitionne le prolongement du réseau sur 1 020 kilomètres supplémentaires pour atteindre les gisements offshore du Sénégal et de la Mauritanie, créant ainsi un corridor énergétique ouest-africain.

Le rêve africain retardé

Le plan ultime du Maroc reste de se raccorder au Pipeline Gaz Atlantique Africain, un projet pharaonique devant relier le Nigeria au Maroc puis à l’Europe. Long de 5 670 kilomètres et traversant 13 pays, ce gazoduc représente un investissement colossal de 22 milliards de dollars.

Malgré le soutien personnel du roi Mohammed VI annoncé en janvier 2021, le projet accumule les retards. Initialement prévu pour démarrer en 2023, le début des travaux a été repoussé à 2026, principalement en raison du manque d’investisseurs prêts à s’engager dans cette aventure risquée et coûteuse. Les doutes persistent quant à sa viabilité économique face à la transition énergétique mondiale.

Un jeu d’influence régional

En développant ces infrastructures, le Maroc poursuit aussi des objectifs géopolitiques. Le royaume cherche à renforcer ses liens avec l’Afrique de l’Ouest et à impliquer ces pays dans le développement du Sahara occidental, transformant Dakhla en carrefour énergétique.

Cette stratégie s’inscrit en concurrence directe avec l’Algérie, qui porte depuis plus de dix ans le projet de gazoduc transsaharien. Plus court (4 128 kilomètres) et moins cher (11,5 milliards d’euros), ce projet rival fait cependant face à d’importants défis sécuritaires au Niger, où des attaques contre les infrastructures énergétiques se multiplient depuis le coup d’État de juillet 2023.

Le pari du financement mixte

Pour concrétiser ses ambitions, Rabat mise sur une collaboration entre public et privé. Le ministère a invité les entreprises à s’impliquer dans le financement de la première usine de regazéification, tout en sollicitant l’appui de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement.

Face à l’instabilité de son voisinage et aux besoins croissants de son économie, le Maroc joue une carte audacieuse. Si le chemin vers l’indépendance énergétique s’annonce long et semé d’embûches, la détermination de Rabat semble inébranlable. Reste à voir si les investisseurs suivront et si les projets les plus ambitieux verront effectivement le jour dans les délais annoncés.

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