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Maghreb

Le nouveau procès de la Khalifa Bank s’ouvrira demain à Blida en présence du golden-boy déchu

Par Yacine Temlali
3 mai 2015
Abdelmoumen Khalifa du temps où il était le patron d’un empire économique...fictif.

Le procès de la Khalifa Bank en mars 2004 avait laissé les observateurs sur leur faim, le principal accusé, Abdelmoumen Khalifa, étant absent, en cavale à Londres. Il revient dans ce remake en guest-star pour s’expliquer dans le retentissant scandale de la chute d’un groupe à l’ascension aussi rapide que sa chute*.

 

 

Les « affaires », encore les « affaires », toujours les « affaires ». Des tribunaux à l’Assemblée populaire nationale (ANP), il n’est question que d’affaires. Du vieux mais aussi du neuf, avec des révélations italiennes très fraîches sur des faits de corruption en relation avec un contrat d’achat d’hélicoptères avec le groupe AgustaWestland.

Et alors que le procès de l’affaire « autoroute Est-Ouest », qui a donné son lot de révélations sur les pratiques tortueuses qui ont considérablement alourdi la facture du « projet du siècle », entre dans la phase finale après les plaidoiries du ministère public et des avocats, d’autres affaires arrivent ou reviennent.

Le procès Sonatrach 1 doit se tenir le 6 juin prochain mais les médias auront à s’occuper en attendant du « remake » du procès de la Khalifa Bank, qui se déroulera, demain, lundi 4 avril 2015, au tribunal criminel de Blida.

Le procès de la Khalifa Bank en mars 2004 avait laissé les observateurs sur leur faim, le principal accusé, Abdelmoumen Khalifa, étant absent, en cavale à Londres. Il revient dans ce remake en guest-star pour s’expliquer dans le retentissant scandale de la chute d’un groupe à l’ascension aussi rapide que sa chute.

Le « golden boy », qui était avant son « crash politico-financier » très courtisé et accueilli à bras ouverts par les politiques, a fini par être renvoyé en Algérie, en 2013.

Détenu à la prison d’El Harrach, Rafik Moumen Khalifa a été transféré jeudi à la prison de Blida en prévision de son procès. Ce sera la première fois que le principal accusé s’exprimera publiquement devant la justice dans une affaire où, dans ses déclarations de l’étranger, il n’a pas hésité à mettre en cause le pouvoir.

L’absence de Rafik Moumen Khalifa avait largement affecté le procès de mars 2007, où il avait été condamné à la réclusion à perpétuité – le maximum comme il est de règle pour la contumace – pour des chefs d’accusation d' »association de malfaiteurs, vol qualifié, détournement de fonds, faux et usage de faux ».

L’ex-gouverneur de la Banque d’Algérie, Abdelwahab Keramane, avait été également condamné par contumace. En exil, il ne sera pas présent dans ce remake du procès de la Khalifa Bank. Une affaire où des épargnants privés, attirés par les taux d’intérêt élevés pratiqués par la banque et la « confiance » qu’elle inspirait du fait, ont perdu leur épargne.

Mais le principal préjudice a été subi par les établissements et entreprises publiques qui ont décidé, dans des conditions non élucidées réellement – et où pointe le soupçon d’une injonction politique informelle aux managers publics de placer des fonds considérables dans Khalifa Bank.

 

Sidi Saïd « assume », Medelci avoue un « manque d’intelligence »

 

Le déroulement du procès à Blida avait d’ailleurs suscité des moments de stupéfaction avec l’aveu du secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, d’avoir pris au nom du conseil d’administration de la CNAS (sans que celui-ci ne se soit réellement réuni) une résolution pour placer 10 milliards de dinars de cotisations sociales de travailleurs à la Khalifa Bank.

« J’assume les dépôts de la caisse de sécurité sociale », avait-t-il déclaré sans susciter, au grand étonnement, le moindre de début d’action publique.

Un autre moment fort de ce procès a été l’aveu par le ministre des Finances de l’époque – et actuel président du Conseil constitutionnel – Mourad Medelci d’avoir « manqué d’intelligence ».

La Banque d’Algérie, dirigée alors par Abdelwahab Keramane – 1999 à 2003 – période de l’essor et de la chute de la Khalifa Bank, n’avait plus l’autonomie. Mourad Medelci avait admis qu’il n’avait mis en œuvre une partie du nouveau dispositif de contrôle bancaire qui relevait de son département.

 

Retour sur l’agence de Koléa ?

 

Le cas de l’agence Koléa de la Khalifa Bank – qui a été soustraite de l’affaire – car impliquant, selon Moumène Khalifa, dans une déclaration à un journal français en 2007, le « ministre de la Justice, Tayeb Belaïz » qui y détenait un compte avec un crédit bancaire », pourrait être un des points qui feront sensation pour ce remake.

El Watan, citant des sources « proches du dossier », prête à Abdelmoumen Khalifa l’intention de « lever le voile » sur de nombreuses zones d’ombre qui entourent toujours ce scandale du siècle ». Il est prêt au « grand déballage », a titré le journal.

L’ancien « golden boy » aurait fait des révélations sur la « destination d’une partie de l’argent de sa banque, une manne dont auraient profité de nombreux hauts responsables de l’Etat, et qui n’ont pas été inquiétés à ce jour ».

Moumène Khalifa se serait, selon le journal, « beaucoup attardé sur l’énigmatique agence Koléa de Khalifa Bank, impliquant directement l’actuel ministre de l’Intérieur, Tayeb Belaïz.

Khalifa, toujours selon El Watan, entend expliquer également le rôle de Abdelmadjid Tebboune, alors ministre de l’Habitat, de Mourad Medelci, d’Abdelmadjid Sidi Saïd et de l’ancien chef du MSP, Bouguerra Soltani, en tant que ministre de la Solidarité, dans cette affaire.

Les accusés dont Moumène Khalifa, doivent être jugés notamment pour les chefs d’inculpation de « constitution d’une association de malfaiteurs », « vol qualifié », « escroquerie », « abus de confiance » et « falsification de documents officiels ».

 

Des milliers d’épargnants privés sur le carreau

 

Maître Nassredine Lezzar, un des avocats de Rafik Moumen Khalifa, a souligné dans une déclaration à journal Echourouk, qu’il « y a des faits et des évidences occultées et niées dans l’affaire Khalifa ».

La première évidence, a-t-il dit, est que le procès va se dérouler en présence de Moumen Khalifa et cela ne manque pas d’importance selon lui : « L’expérience a montré que les procès qui se déroulent en l’absence des accusés sont toujours privés de faits fondamentaux, chaque accusé présent ayant tendance à charger l’accusé absent. »

L’avocat a lancé un appel à la presse à couvrir le procès sans « idées préconçues ». Le procès drainera en tout cas beaucoup de monde. 385 témoins sont convoqués ainsi que 133 personnes représentant les victimes et partie civile.

La faillite frauduleuse en mars 2003 de Khalifa Bank, une des premières des banques privées, aurait causé un préjudice d’au-moins 1,5 milliard de dollars, certaines estimations évoquant le double. Des milliers d’épargnants privés ont été laissé sur le carreau, la loi ne leur garantissant un remboursement qu’à hauteur de 600.000 dinars.

 

* Article publié sur le Huffington Post Algérie.

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