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Le politologue Riadh Sidaoui : « Il y aura un rapprochement entre l’Arabie Saoudite et les Frères musulmans »

Par Yacine Temlali 2 février 2015
Le roi Salmane Abdelaziz, alors prince héritier, recevant le président islamiste égyptien déchu Mohamed Morsi (ph. : AFP/Ahmed Fouad).

Une semaine après l’intronisation de Salman Ibn Abdelaziz à la tête du royaume saoudien, le politologue tunisien Riadh Sidaoui, directeur du Centre arabe de recherche et d’analyses politiques et sociales (CARAPS, Genève), nous donne sa lecture des changements que le nouveau règne pourrait provoquer au Proche-Orient et en Afrique du Nord.

 

 

Maghreb Emergent : Après la mort du roi Abdallah, qu’est-ce qui changera effectivement, selon vous dans le paysage politique saoudien interne ? Le roi Salmane est-il plus progressiste que son prédécesseur ? Allons-nous observer l’émergence d’un nouveau débat citoyen par exemple dans ce royaume saoudien ?

Riadh Sidaoui : Vous savez, le nouveau roi est connu pour son conservatisme et son soutien affiché au wahabisme. Sur le plan de la politique politicienne, Salman Ibn Abdelaziz s’appuie sur des forces réactionnaires, notamment les groupes d' » al amr bil maarouf wa al nahy âan al moukar (la police des mœurs), ceux qui s’opposent, par exemple, à la conduite des véhicules par les femmes. Le conservatisme se maintiendra mais il y aurait, à mon avis, un rapprochement avec les Frères musulmans après la grande période de désamour entre l’Arabie Saoudite et cette confrérie islamiste pendant le règne du roi Abdallah Ibn Abdelaziz. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura plus de guerre à l’encontre des Frères musulmans. De là à la reprise du fort appui saoudien dont ils jouissaient durant les années  1960 et 1970, je ne peux en être sûr. Mais du moins, une alliance avec les Frères musulmans est fort prévisible.

L’appui aux Frères musulmans supposerait un grand changement dans la politique internationale, n’est-ce pas ? Nous risquons de voir les alliances métamorphoser le poids des acteurs sur le terrain politique, notamment les poids des acteurs des conflits au Proche-Orient, en Afrique du Nord et dans la Péninsule arabique …

Je pense que le changement de la politique saoudienne vis-à vis des Frères musulmans se déroulera en trois étapes. Tout d’abord, il y aura un arrêt des attaques médiatiques contre cette formation politique puis un soutien médiatique et financier aux Frères musulmans puis, enfin, une possible alliance Frères musulmans-wahabisme.

Il me semble que le nouveau roi essayera de se débarrasser progressivement de l’héritage de son prédécesseur et d’asseoir graduellement ses nouvelles donnes. Un rapprochement entre l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie est envisagé à moyen terme, concomitamment à un éloignement de l’Egypte et des Emirats arabes unis. Ces deux derniers, pays ont laissé voir dernièrement la création d’un pont entre eux.

Pour ce qui est de notre région maghrébine, l’Arabie Saoudite du roi Abdallah soutenait militairement l’armée libyenne de Khalifa Haftar, alors que d’après votre analyse, ce riche pays apporterait désormais son soutien au gouvernement de Tripoli, soutenu par les milices pro-Frères musulmans de Fadjr Libya. Sommes-nous à la veille d’un bouleversement spectaculaire du rapport de forces en Libye ?

Je souhaiterais préciser ici que le poids de l’Arabie Saoudite en Libye n’est pas aussi important qu’il l’est dans d’autres régions du Proche-Orient. De plus, je rappelle qu’une alliance entre l’Arabie saoudite et les Frères musulmans ne sera pas faite dans l’immédiat, mais plutôt à moyen terme. L’Arabie Saoudite poursuivra vraisemblablement son appui aux wahhabites partout dans le monde, notamment dans les zones de tension, et elle ira vers un soutien progressif des Frères musulmans. Nous avons déjà vu que le Hamas a vivement félicité le nouveau roi saoudien. Cela changera certainement beaucoup de données. De quelle ampleur ce changement sera-t-il? Cela reste à observer. Mais on peut dire déjà que nous pourrions nous attendre à des frictions avec certains alliés d’hier, comme l’Egypte, par exemple.

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