Étudier, voyager, rejoindre sa famille : derrière ces projets, les Algériens paient chaque année des millions d’euros en frais de visas. Un coût invisible qui pèse sur les foyers et alimente une frustration croissante.
Derrière chaque demande de visa Schengen déposée par un Algérien, il y a une histoire : un étudiant qui espère poursuivre ses études, une famille qui veut rendre visite à des proches, un malade qui cherche à se soigner en Europe. Mais il y a aussi une réalité comptable, plus froide : depuis 2014, ces demandes ont coûté près de 474 millions d’euros aux citoyens algériens. Une somme colossale, payée en devises fortes, qui s’évapore hors du pays sans retour économique.
En 2024, les Algériens ont déposé 544 634 demandes de visas Schengen. Chaque dossier coûte désormais 90 euros, sans garantie de succès. Résultat : 43,57 millions d’euros ont été versés aux consulats européens pour cette seule année. Ce chiffre impressionne, mais c’est la vision longue qui interpelle encore davantage : en dix ans, le cumul approche le demi-milliard d’euros. Autant d’argent sorti de l’économie nationale pour alimenter une machine administrative dont les retombées locales sont nulles.
Un drain de devises qui pèse sur ménages et économie
Sur cette décennie, une part importante de l’argent dépensé est partie en fumée. Rien que durant la période pré-pandémie (2014–2019), plus de 115 millions d’euros ont été engloutis dans des demandes refusées. Autrement dit, des frais payés rubis sur l’ongle mais qui n’ouvrent aucune porte.
En 2024 encore, plus d’un tiers des dossiers algériens ont été rejetés, soit 185 101 refus. Ce seul chiffre équivaut à 15,7 millions d’euros perdus par les demandeurs, des sommes souvent économisées difficilement par des ménages modestes. Pour une famille de quatre personnes, une simple tentative de voyage coûte 360 euros en frais de visas, soit plusieurs mois de salaire minimum. En cas de rejet, tout est perdu.
À l’échelle macroéconomique, ces frais constituent une fuite nette de devises. L’Algérie, qui cherche à protéger ses réserves de change estimées à 73 milliards de dollars, voit chaque année plusieurs dizaines de millions d’euros quitter son territoire pour un service administratif. L’Union européenne, elle, bénéficie de cette manne régulière. En dix ans, les seuls demandeurs algériens ont contribué à près d’un demi-milliard d’euros de recettes, dont une part significative issue de refus.
Bien sûr, les Algériens continueront à demander des visas Schengen. La mobilité reste une aspiration forte, surtout pour une jeunesse nombreuse et éduquée. Mais les chiffres posent une question : jusqu’à quand l’Algérie peut-elle accepter de voir sortir autant de devises pour un résultat aussi incertain ?
Au final, le visa Schengen n’est pas seulement un document de voyage. Il est devenu un miroir des relations entre l’Algérie et l’Europe : une demande algérienne massive, une délivrance sélective, et une facture qui pèse lourd sur les familles comme sur l’économie nationale.