Le procès du drapeau amazigh ou la provocation inopportune (opinion) | Maghreb Émergent

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Le procès du drapeau amazigh ou la provocation inopportune (opinion)

Par Maghreb Émergent
13 novembre 2019

Le verdict rendu ce matin par le tribunal de Sid M’hamed est venu rappeler à toutes les personnes impliquées dans ce procès des 42 détenus du Hirak, le caractère exceptionnel de cette cour de justice. Contrairement aux attentes et à l’espoir suscité par le déroulement de ce procès durant toute la journée parmi les détenus, les familles, les personnes qui se sont regroupées aussi bien à l’extérieur du tribunal que celles qui ont assisté au procès, et surtout parmi la centaine d’avocats constitués pour défendre ces détenus, un verdict très lourd a été prononcé à l’encontre de 21 détenus.  Un an de prison dont 6 mois avec sursis. L’espoir fut entretenu par les avocats qui ont parlé d’un procès équitable, puisque les auditions et les plaidoiries ont été faites dans un climat qui laissait présager un tout autre dénouement.

Même si les plaidoiries ont relevé l’absence de toute base juridique qui justifierait que ces détenus soient poursuivis, même si les mêmes chefs d’accusation à l’encontre d’autres détenus dans d’autres wilayas ont donné lieu à des relaxes et même si les avocats ont rappelé au juge que l’emblème amazigh continue à être porté dans plusieurs wilayas du pays, supposées soumises aux mêmes lois de la république sans que ses porteurs ne soient inquiétés, le juge a pris la décision de condamner ces jeunes détenus à de la prison ferme.  Les avocats ont aussi rappelé que l’emblème amazigh n’a été incriminé qu’après le discours prononcé le 19 juin par le chef d’état-major.

Tribunal d’exception et graves conséquences

Le tribunal de Sid M’hamed, doté visiblement d’un caractère exceptionnel, a, rappelons-le, placé Karim Tabou sous mandat de dépôt le lendemain de sa mise en liberté provisoire par une juge de Tipaza. Dans ce même tribunal, il a été procédé à l’installation de la présidente de la cour par le procureur général en plein mouvement des magistrats. Quel est le message que veulent envoyer au Hirak ceux qui ont décidé du verdict ? Pourquoi cette parodie de justice avec un procès qui a duré plus de 15 heures pour aboutir à des condamnations lourdes en dépit des arguments développés par les dizaines d’avocats qui se sont relayés à la barre et en contradiction avec les jugements rendus dans d’autres wilayas pour les mêmes chefs d’accusation ? Alors qu’un verdict conforme à la loi aurait rendu, même un semblant de crédibilité à ces magistrats qui ont fait de l’indépendance de la justice un de leurs mots d’ordre centraux, ce qui aurait certainement apaisé un tant soit peu une ambiance électrique à quelques jours du lancement de la campagne électorale des présidentielles, même si tous les candidats ignorent délibérément le dossier des détenus du Hirak.

Le renouvellement des mandats de dépôt pour tous les activistes du Hirak et le report par conséquent de leurs procès au-delà de l’échéance électorale aurait été moins provocateur que ce procès et ces verdicts à l’encontre des premiers 21 détenus et qui sera certainement confirmé le 18 novembre courant lors du procès des 21 autres. 

D’ailleurs, lundi prochain, et si les avocats adoptent la même attitude que lors  du renouvellement du mandat de dépôt, le boycott, le procès sera plus expéditif et éviterait le simulacre qui a prévalu lors du premier procès.

Comment peut-on parler d’unité nationale et condamner des activistes au nom de l’atteinte à cette unité quand des confrères dans d’autres cours ont prononcé des relaxes ou ont simplement refusé d’engager des poursuites en application des mêmes lois ? Cette différenciation est très lourde de sens et porteuse de lourds dangers sur l’unité de la nation et sa cohésion.

C’est une stigmatisation d’une région entière de ce pays qui se trouve réaffirmée. Les commanditaires de ces procès et leurs exécutants ne semblent pas évaluer la gravité de leurs actes et les retombées immédiates et futures sur la stabilité du pays et sur ses institutions.

Abdennour Haouati

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