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L’eau dessalée va déborder sur la tarification

Par Maghreb Émergent
16 mars 2025

L’Algérie est en train de devenir un grand pays producteur d’eau dessalée. Cette transition raconte plusieurs récits. Celui du changement climatique bien sûr en premier, mais également celui de l’utilisation de la rente énergétique. Car il faut bien le comprendre, c’est le gaz naturel qui soutient l’industrie du dessalement qui offre près de 2 millions de m³ d’eau potable par jour aux populations du littoral et du tell.  

Le seuil des 40% d’eau d’origine dessalée est dépassé avec l’inauguration des usines de Cap Blanc et de Cap Djinet en 2025, et la part de cette eau « non conventionnelle » dans l’offre totale de l’Algérienne des Eaux (ADE) devrait atteindre 60% en 2030 si le programme de réalisation des six nouvelles usines est achevé et que les apports en précipitations ne remontent pas dans le bilan de l’Agence nationale des barrages (ANB).

Le développement d’une filière industrielle importante de dessalement d’eau de mer dans les régions arides à semi-arides est réservé à des pays disposant d’une manne énergétique importante ou à des pays industriellement avancés. Le graphique ci-dessous le montre sans nuances.   

Tous les pronostics du changement climatique plaident pour une poursuite de la montée de la part de l’eau dessalée dans la consommation d’eau des Algériens au-delà de 2030. Et donc, si le modèle énergétique de production ne change pas, tout plaide aussi pour une poursuite montée de la part de gaz naturel qui sera transformée en eau potable. Modèle non durable. Sauf à engager une intégration audacieuse de l’énergie solaire dans l’alimentation des usines de dessalement. Nous en sommes loin en Algérie. Cela obère les couts de production à long terme de l’eau dessalée. Elle prive le pays d’une part de plus en plus importante de revenus à l’exportation en gaz naturel. 

La montée en puissance de la filière de l’industrie de dessalement est une bonne nouvelle, au sens où son potentiel d’intégration industrielle en amont est important. Elle pose toutefois un problème sur son aval. Son coût demeure lourdement supérieur à celui de l’eau conventionnelle, ce qui plonge la distribution de l’eau potable en Algérie dans un grave déficit structurel.

À moins de 60 dinars le m3 pour la première tranche, le volume des subventions nécessaires pour soutenir l’ADE interpelle. L’eau dessalée va rapidement relancer le débat sur la tarification optimale de l’eau. Là aussi, il existe des motifs d’espérer échapper à des facturations trop salées de l’eau. La tendance est, depuis 30 ans, à la baisse accélérée du cout moyen du m³ de l’eau dessalée dans le monde.  

Un mètre cube d’eau dessalée par osmose inverse nécessitait 20 Kw/h d’électricité dans les années 70. L’évolution de cette technique permet aujourd’hui de ne consommer que 3 kw/h pour obtenir le même mètre cube d’eau dessalée.  

Cette décroissance des couts a tendance à ralentir en l’absence d’une nouvelle rupture technologique dans la filière du dessalement. Elle a rapproché le cout de l’eau dessalée de celui de l’eau conventionnelle (barrages essentiellement). Mais le gap demeure significatif. Il est d’environ de 0,2 à 0,4 dollar par M³ en fonction des régions dans le monde et de la productivité des usines. Il n’existe pas de chiffres précis pour mesurer l’écart de cout de production entre l’eau – de plus en plus rare – des barrages du centre du pays  (Keddara, Koudiat, Hamiz) et celle qui sortira de l’usine de Cap Djinet. À 0,4 dollar de plus chère, l’impact de chaque apport supplémentaire en eau dessalée sur les comptes de l’ADE serait colossal. L’eau est en passe de devenir l’enjeu géopolitique le plus important du siècle. Son gaspillage est insensé. 

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