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Maghreb

Les débuts de la navette maritime Alger-La Madrague: désordre, bousculade et déception

Par Yacine Temlali
6 août 2014
Le

Ce reportage de notre confrère le Huffington Post Algérie décrit le premier jour de la navette maritime entre le Port d’Alger et le Port de la Madrague. Il faudra visiblement un peu de temps pour que les Algérois s’habituent à ce moyen de transport maritime à l’intérieur des limites de la capitale.

 

 

« Et si on allait à la Madrague par mer? ». De nombreux algérois ont eu la même idée, mardi, au lendemain de l’inauguration en grande pompe, en présence du ministre du Transport, Amar Ghoul, et du wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, de la navette maritime « Capitan Morgane » reliant le centre d’Alger à El Djamila, à l’ouest.

Une balade censée se faire en trente minutes mais qui a tourné à la foire d’empoignes et à l’anarchie.

Cinq traversées quotidiennes (trois dans la matinée, deux le soir), six jours sur sept – l’équipage italien se reposant le dimanche- : tel est le programme prévu pour le bateau affrété par l’Entreprise nationale de transport maritime des voyageurs (Algerie Ferries).

Le programme, valable du 5 août au 7 septembre 2014, peut, dit-on, être perturbé en cas de mauvaises conditions météorologiques. Mardi 5 août, il était bien perturbé et pour bien d’autres raisons que les conditions météo trop « idéales », avec une chaleur écrasante sous un ciel bleu, sans nuages.

Premier jour, des retards

 

« Capitan Morgan », ligne pilote de transport urbain maritime de voyageurs, a été assailli par de nombreux algérois qui voulaient être les « premiers » à s’offrir une balade maritime, cette « nouveauté » tant annoncée par le passé. A 11 heures, le bateau n’est pas encore à quai !

Premier constat, à l’entrée de Tahtahet El Fenanine (Esplanade des artistes), aucune indication signalant la gare de transport maritime urbain.

Au guichet, la file est moyenne et on s’acquitte paisiblement des 50 dinars pour l’achat du billet. De nombreux « curieux » avaient attendu l’arrivée du bateau en se baladant au niveau du port, devenu accessible. On regarde les pêcheurs s’affairer autour de leur filets sous « l’œil » de plusieurs caméras des chaînes algériennes « off-shore », venues immortaliser l’événement.

A midi, le « Capitan Morgan » n’est toujours pas à quai. Invisible à l’horizon aussi. Un guichetier annonce que les tickets manquent.

Près d’une trentaine de minute plus tard, le bateau se pointe au large. Frémissement dans la foule, on se bouscule pour se positionner à l’endroit réservé entre chalutiers et sardiniers en rade. « Mwalfine b’les bus, (ils sont habitués aux bus) », commente méchamment un jeune homme.

12h30 : le bateau baisse le pont pour permettre le débarquement des passagers arrivés de la Madrague. Premier couac, une dizaine de ces passagers refusent de descendre et veulent revenir à leur point de départ.

Longues discussions. L’équipage, à majorité italien, parvient à les convaincre de descendre et d’aller acheter un autre ticket pour le « retour ».

Mohamed, agent de sécurité, sent que les choses se compliquent. Et pourtant, dit-il, la « navette de 8h00 s’est très bien déroulée. On n’a eu aucun incident. il n’y avait que 87 personnes à bord ».

Mais midi n’a rien à voir avec le matin. Il sent le débordement dans l’air. « Nous ne sommes que cinq, on a demandé du renfort pour mieux faire notre travail. Il n’y a même pas de couloir pour que la file soit mieux organisée ».

 

Fawdha

 

De fait, une fois les passagers débarqués, les membres de l’équipage tentent de retirer la passerelle en attendant qu’une file d’attente, une « chaîne », s’organise pour avoir un embarquement dans le calme.

« Ça ne marche pas », crie un membre de l’équipage. Après 30 minutes et plusieurs tentatives manuelles et automatiques, le problème est finalement résolu. Mais l’idée d’un embarquement dans le « calme » est déjà enterrée.

C’est la « fawdha », l’anarchie, chez les candidats à la balade. Des femmes qui crient, des enfants qui pleurent, des personnes âgées qui gémissent. Le spectacle ressemble bien aux fameuses bousculades pour l’accès au bus, par la « force des bras » et « en hurlant ».

Deux agents de sécurité épaulés par deux policiers tentent, sans grande réussite, de contrôler le flux humain qui force le passage. Des voix s’élèvent et réclament le droit de passer : « Nous attendons depuis deux heures. Nous avons nos tickets, faites nous-monter! »

Le commandant de bord voulait que les passagers montent par groupe de cinq. Personne n’a prêté attention à ce qu’il disait tantôt en italien tantôt en anglais. La gestion du flux, ou de la « foule », relève du Port d’Alger.

 

A l’abordage!

 

Les passagers s’impatientent et tentent de forcer le passage. Ils sont manifestement plus nombreux que les 344 places du « Capitan Morgan ».

Des « insurgés » sautent par dessus la barrière de la passerelle. On « desserre » le passage pour en finir avec ce déchaînement. En quelques minutes, le nombre maximum de voyageurs requis est atteint.

« Vous prenez la prochaine navette! », tente d’expliquer l’un des deux policiers présents. Des hommes s’insurgent en jurant, des vielles femmes « maudissent » les employés et l’organisation.

« On a cru bien faire de se ranger à côté pour respecter l’ordre mais apparemment c’est la jungle », se désole Rabah, père de deux enfants, venu en famille pour profiter de la baie d’Alger.

L’accès à bord est censé être interdit pour des raisons sécuritaires aux enfants non accompagnés de moins de 16 ans. On pouvait, cependant, voir des gosses de 10 à 14 ans se faufiler au milieu de la foule pour être aussi de la partie.

Souad, une petite fille de 13 ans pleure et cherche son « grand frère », Saleh, 14 ans, disparu parmi les centaines de personnes « déterminées » à prendre une place à ce voyage. Saleh est finalement bien monté à bord. On a pu le voir plus tard, en larmes, chercher sa sœur restée à quai. Des familles et groupes d’amis séparés entre le quai et le bateau tentaient de se rassembler en montant ou en descendant.

À quatorze heures, nous avons quitté le gare, laissant derrière nous un « Capitan Morgan » toujours immobile.

Le guichet avait rouvert pour rembourser les tickets des « malheureux » qui n’avaient pas eu la chance de trouver une place pour la traversée vers El Djamila.

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