Le gouvernement vient d’adresser une nouvelle note aux banques commerciales, via l’ABEF, pour limiter le financement des importations. Cette énième mesure vise à protéger la balance des paiements, et prévenir d’une fonte rapide des réserves de change.
Elle pose toutefois une question de fond : pourquoi l’exécutif se concentre-t-il uniquement sur la réduction des importations privées, alors qu’il laisse filer une trajectoire budgétaire expansive, sans aucun plan visible de maîtrise des dépenses ni de réduction du déficit public ? Au moment où se concocte, au ministère des Finances, le budget pour 2026 et ces arbitrages sectoriels, la question devient brûlante, d’actualité.
Une explosion des dépenses publiques depuis 2022
Entre 2020 et 2025, les dépenses budgétaires sont passées de 7 823 milliards de dinars à 16 794 milliards, soit une augmentation de 114 % en cinq ans. Cette croissance rapide contraste avec la période 2005–2015 sous Bouteflika, durant laquelle les dépenses ont progressé de 2 303 à 4 972 milliards DA, soit une hausse à peu près similaire, de 116 %, mais étalée sur dix années.

Ce doublement s’est produit alors même que l’économie algérienne traversait une période difficile, marquée par des cours du pétrole modérés jusqu’en 2021. En revanche, c’est à partir de 2022 que les dépenses explosent : +43 % en un an. Elles continuent de grimper avec 13 786 milliards DA en 2023, puis 15 275 milliards en 2024, avant d’atteindre 16 794 milliards en 2025.

Déséquilibre entre rigueur privée et dépense publique
Ce contraste est d’autant plus frappant que, dans le même temps, les autorités exigent des entreprises qu’elles réduisent leur recours aux importations. Le secteur privé est mis sous pression pour contenir la sortie de devises, tandis que l’État augmente son train de vie à un rythme inédit depuis l’indépendance.
Cette divergence révèle une politique déséquilibrée. Aucun cadre pluriannuel de dépense ou de déficit n’est publié. Aucune règle budgétaire ou plafond de déficit n’est évoqué. Et pourtant, les déficits publics dépassent les 10 % du PIB depuis 2023, sans perspective de consolidation.
Une dépendance aux hydrocarbures toujours risquée
La comparaison avec l’ère Bouteflika est éclairante. Entre 2005 et 2009, l’Algérie avait bénéficié d’un super-cycle pétrolier, avec un baril souvent supérieur à 100 dollars, qui s’est poursuivi après le trou d’air de la crise des Subprimes.
Pourtant, la croissance des dépenses a été plus modérée. Sous Tebboune, les dépenses ont doublé en un temps deux fois plus court, alors même que les cours du brut n’ont pas retrouvé durablement leurs sommets passés. Une analyse du contenu de la dépense publique et de son efficacité économique comparée entre les deux périodes pourraient rendre sa croissance accélérée les cinq dernières années encore plus contestables.
Cette tendance hyper expansive interroge sur la capacité de l’État à maîtriser ses finances. À défaut de réformes structurelles et d’une trajectoire budgétaire crédible, le pays reste exposé aux aléas du marché pétrolier. Une baisse des cours pourrait rapidement transformer la fragilité externe en choc budgétaire. Il y a déjà de longues années que la maîtrise des dépenses publiques et du déficit budgétaire dépasse le simple impératif de rigueur. Elle est devenue une condition essentielle pour stabiliser le dinar, préserver la balance des paiements, et surtout, sauvegarder les dernières marges de manœuvre financières du pays.