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Maghreb

Les effets d’annonce polluent l’activité économique en Algérie

Par Yazid Ferhat 29 September 2014
Abdelmalek Sellal, premier ministre algérien

Un million de logements en un quinquennat, une croissance de 7% en 2019 : le gouvernement multiplie les annonces, sans assurer un suivi de ses projets. Le décalage est énorme.

 

Le premier ministre Abdelmalek Sellal a présenté un budget d’équipement pour 2015 en hausse de 48.7% par rapport à 2014. Ce budget s’élèvera à 4.079,7 milliards de dinars (51,64 milliards de dollars). Un tel bond en avant  parait très nettement au-dessus de la capacité d’absorption de l’économie algérienne, si on en juge par les chiffres publiés par différentes institutions officielles. Ce qui confirme que l’exécutif se soucie peu de l’efficacité de sa démarche, mais qu’il privilégie les effets d’annonce et les prévisions gonflées, quitte à imputer la non réalisation de ses projets à des facteurs « indépendants de sa volonté».

Une source officielle au ministère des finances avait révélé au printemps que 166 milliards de dollars de crédits n’avaient pu être consommés durant la décennie écoulée. Ce chiffre représente un montant proche du  PIB de l’Algérie et près de trois fois le PIB de la Tunisie !

De son côté, le ministre de l’industrie, M. Abdessalam Bouchouareb, a révélé la semaine dernière que les entreprises publiques, pourtant « assainies », n’avaient pu consommer que 18% de l’aide qui leur a été apportée dans le cadre d’un plan de redressement lancé par le gouvernement. Après un plan d’assainissement de 320 milliards de dinars (4.05 milliards de dollars), celles-ci avaient bénéficié d’un plan de financement de 634 milliards de dinars (8.02 milliards de dollars), mais elles n’avaient pu en consommer que 18%. Dans le domaine de la formation en particulier , elles n’ont consommé que neuf pour cent du budget alloué.

Chiffres faussés

Selon les prévisions du gouvernement, l’inflation sera contenue dans un seuil de de 3% en 2014. Mais ce chiffre est complètement faussé par les subventions, qui vont atteindre 60 milliards de dollars, soit 30% du PIB. A ce niveau de subventions, toutes les données sont faussées car le traitement n’est plus économique mais social.

Le plan d’investissement quinquennal 2015-2019 est lui aussi dans la même configuration, avec des chiffres sans relation avec le réel. Il prévoit un programme d’investissements publics de 280 milliards de dollars, soit une moyenne de 56 milliards de dollars par an. Là encore, les critiques concernent la capacité du pays à absorber ces investissements, à les rentabiliser, à éviter les gaspillages et les détournements, et à l’impunité dont bénéficient leurs promoteurs et leurs gestionnaires. L’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil avait géré des dizaines de milliards de dollars, avec des niveaux de corruption insoupçonnés, mais il a pu quitter tranquillement l’Algérie. M. Amar Ghoul est toujours au gouvernement alors que l’autoroute est-ouest, qui devait être achevée en 2009, est toujours en travaux sur certains tronçons.

Ces grands chantiers entrainent aussi une hémorragie de devises, le recours aux entreprises étrangères étant devenu systématique dans les projets d’une certaine envergure.

Hémorragie de devises

Ces chiffres cachent en fait le véritable mal de l’économie algérienne : le faible niveau de l’investissement des entreprises, particulièrement dans l’industrie, qui représente moins de cinq pour cent du PIB. Publiques ou privées, les entreprises algériennes, à quelques très rares exceptions près, ont une faible envergure, un niveau de gestion médiocre, et ne peuvent servir de locomotive pour relancer l’industrie.

Même avec un taux de croissance à deux chiffres, il faudrait six à sept ans pour doubler le volume de la production industrielle. Seule une dynamique exceptionnelle, sur au moins une décennie, et s’appuyant sur une arrivée massive d’entreprises étrangères, pourrait ouvrir de vraies perspectives.

Le ministre de l’industrie a choisi une autre formule,  qui va déboucher sur une nouvelle perte de temps : réorganiser les entreprises en les regroupant. Les managers, souvent des bureaucrates sans envergure, qui n’ont pu consommer que 18% des financements offerts par l’Etat, ne pourront faire mieux avec des entreprises encore plus grandes. Ils reproduiront les mêmes mécanismes de gestion, qui vont générer les mêmes déficits. Jusqu’à l’arrivée d’un nouveau ministre.

L’agriculture et ses approximations

Un dirigeant syndical, proche de Abdelmadjid Sidi-Saïd, a exprimé le désarroi de l’UGTA face à cette situation. « On n’arrive plus à suivre », a reconnu Amar Takdjout, président de la fédération textiles et cuir de l’UGTA. Le secteur du textile a absorbé à lui seul deux milliards de dollars entre assainissement et différentes aides pour relancer l’investissement, mais il n’assure que cinq pour cent de la consommation nationale.

Ces approximations constituent, par ailleurs, une tradition bien ancrée dans le secteur de l’agriculture. M. Abdelouahab Nouri, ministre en poste, vient d’annoncer une hausse de la production agricole de 13.7%. Pourtant, la production de la pomme de terre a baissé, comme le montre la flambée du produit sur le marché, alors que la production de céréales chutait de 30%, selon l’aveu même du ministre.

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