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Hydrocarbures

Les installations de traitement du gaz largement sous-exploitées en Algérie

Par Yazid Ferhat
25 novembre 2014

L’Algérie a considérablement augmenté ses capacités de liquéfaction de gaz naturel. Problème : la production de gaz n’a pas suivi, et les marchés se font rares.

 

Comment gérer l’héritage de Chakib Khelil? L’ancien ministre de l’Energie a laissé une ardoise conséquente, qui dépasse largement les affaires supposées de corruption dans lesquelles il serait impliqué, et que l’Algérie n’arrive pas encore à solder. Les choix qu’il a faits pendant la période où il était seul maitre à bord dans le secteur de l’énergie vont laisser des traces, même si le gouvernement tente d’en occulter l’effet.

Ainsi, le 10 novembre, le premier ministre Abdelmalek Sellal a inauguré un nouveau train de liquéfaction de gaz naturel à Bethioua, près d’Oran. Un geste anodin, noyé dans la célébration du lancement de la Symbol, qui avait attiré tous les regards. Mais l’investissement pour la réalisation de ce train de GNL a coûté quatre milliards de dollars, soit 80 fois ce qui a été investi jusque-là dans l’usine Renault !

Selon les informations de Maghreb Emergent, la nouvelle installation est en période d’essai depuis bientôt une année, mais elle n’a toujours pas atteint son rythme de croisière. Elle faisait partie d’un plan d’équipement qui devait permettre à l’Algérie de porter ses capacités d’exportation  à 100 milliards de mètres cube par an, selon M. Chakib Khelil. Mais la conjoncture a évolué autrement : l’Algérie n’exporte que 50 milliards de mètres cube, selon un chiffre cité ce week-end par M. Abdellatif Benachenhou, ancien ministre des finances.

Erreurs

Visiblement, M. Khelil s’était trompé sur au moins trois points. Il avait envisagé que le marché évoluerait de manière linéaire, à la hausse ; il avait tablé sur une hausse continue de la production algérienne ; et il avait sous-estimé l’explosion de la consommation interne, ce qui réduit d’autant plus les quantités proposées à l’exportation. Résultat : l’Algérie dispose aujourd’hui d’installations supplémentaires achetées,  mais faiblement exploitées. Un ancien ingénieur de Sonatrach est formel : les anciennes installations étaient largement suffisantes pour assurer les quantités que l’Algérie va exporter jusqu’en 2020.

Un ingénieur de Sonatrach qui s’est exilé se montre encore plus critique. Au lendemain de l’attentat terroriste contre le complexe gazier de Tiguentourine, qui représentait 18% de la production algérienne de gaz, il était devenu difficile d’assurer un fonctionnement continu des chaines de production disponibles, avant même que les travaux de la nouvelle installation ne soient terminés. Son diagnostic est sans complaisance. «Les installations ont coûté cher. Elles doivent être entretenues, ce qui coûte encore plus cher, mais en réalité elles ne servent virtuellement à rien. Il était possible de s’en passer », dit-il. « Aujourd’hui que le coup est parti, il va falloir utiliser toutes les installations, anciennes et nouvelles, mais à un rythme très lent, en espérant un retournement de conjoncture», ajoute-t-il.

40% des capacités non exploitées

M. Abdellatif Benachenhou, qui a cohabité avec M. Chakib Khelil au sein du même gouvernement, a évoqué le coût d’un outil de production installé et non exploité. Selon lui, l’Algérie n’exploite que 60% de ses capacités de traitement de gaz naturel.

Les partisans du développement de ces installations affirment de leur côté que si l’exportation a baissé, « c’est conjoncturel ». Le ministère de l’Energie a d’ailleurs affirmé que les exportations repartiraient à la hausse, pour revenir en 2018 à leur niveau de 2008. De plus, les anciennes installations vieillissent, et doivent être renouvelées, notamment pour développer une industrie pétrochimique performante. Le nouveau train inauguré à Bethioua devrait d’ailleurs produire du butane, du propane, de l’éthane, de la gazoline et du gaz enrichi à l’hélium.

Mais au-delà de ces produits, il n’est pas exclu que l’existence de ces installations serve à conforter le choix de l’exploitation du gaz de schiste, selon cet ingénieur. « Si Sonatrach peut augmenter ses exportations de gaz conventionnel, ce sera tant mieux », dit-il. « Sinon, le ministère de l’Energie sera tenté de dire qu’il faut exploiter le gaz de schiste, du moment que les installations pour la liquéfaction sont disponibles, et qu’il est préférable de les exploiter plutôt que les laisser à l’abandon».

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