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Les jeunes des chalets du Figuier (Boumerdès) boudent le scrutin malgré les promesses de relogement

Par Yacine Temlali
4 mai 2017
Le centre de vote de Figuier à 15h30, quasi désert // Ph: Y.F

Omar, un lycéen en classe d’examen, tient ce qui pourrait ressembler à un bureau de tabac, une propriété de son frère : « Ici, les vieux votent, mais pas les jeunes. Mes parents sont allés voter dès les premières heures du matin. Nous, les jeunes – nous sommes cinq frères – nous n’avons pas l’eau courante h24, mais nous nous abreuvons à la 3G. » Et d’ajouter, malicieux : « Nous sommes ouverts et conscients de tout. Mais il ne faut pas penser que c’est l’effet Dz Joker avec son hymne au boycott. »

 

  

Au centre de vote Echahid Meouar Hedhoum, à Figuier, les gens ne se bousculent pour voter aux législatives de ce 4 mai 2017. Dans ce centre de plus de 4.000 électeurs inscrits répartis sur l’un des sites de chalets le plus importants de la wilaya de Boumerdès, le taux de participation a difficilement atteint les 18% à 15h, bien que le scrutin se soit déroulé sans incidents majeurs, mis à part une dizaine d’électeurs qui ne trouvaient pas leurs noms sur la liste.

A 15h30, n’étaient les fanions et le renfort de la police qui veille à l’entrée de cette école, on n’aurait pas deviné qu’un scrutin est organisé dans les lieux. « Il n’y a pas d’ambiance électorale, c’est un scrutin sans enjeux pour la population déshéritée », soutient un assesseur de l’administration qui jure que lui-même n’a pas voté, exhibant ses doigts propres de toute trace d’encre. Fonctionnaire de 45 ans, il assure n’avoir voté qu’en 1999, porté par l’euphorie qui a porté Abdelaziz Bouteflika au pouvoir, et ensuite lors du référendum sur la concorde civile qui avait promis « le retour à la stabilité du pays ». « Depuis je suis vacciné contre le système », dit-il.

Les inscrits dans ce centre de vote, qui regroupe les quartiers-chalets de relogement des sinistrés du séisme de 2003 qui vont de Sablière jusqu’aux chalets de Seghiret ont pourtant « des arguments à faire valoir pour aller voter ». Une rumeur a circulé pendant plusieurs jours assurant que « pour compléter le dossier de relogement, il fallait présenter la carte de vote ».

 

La rumeur

 

Les personnes que nous avons rencontrées attestent toutes que ce bruit a couru, propagé probablement par l’administration locale, qui « voudrait inciter les jeunes des chalets à aller voter, alors qu’ils ont failli à régler les problèmes les plus élémentaires comme l’accès à l’eau et à l’électricité ».

« Dans ce lotissement de chalets, en été nous souffrons du manque d’eau et en hiver des coupures d’électricité », témoigne, Mohamed, 33 ans, technicien en froid industriel. Il travaille dans une grande entreprise au sud du pays. « Je gagne plus ou moins correctement ma vie, mais je ne peux pas accéder à un logement décent », soutient-il. Son dossier, comme beaucoup d’autres de ses « voisins » sont en suspens, alors que des logements, à quelques encablures du site, qui leurs sont destinés, sont achevés.

Cependant, Mohamed refuse de céder à cette « paranoïa ». « S’ils veulent nous reloger à la régulière, je serai parmi les premiers. Nched fi Rebbi (je ne compte que sur Dieu) », soutient-il fermement.

« Je ne vais ni cacheter ma carte ni rien. Moi je ne vote que pour les présidentielles. Ce sont à mon avis les seules élections où on peut espérer qu’un homme puisse changer le destin du pays. Les législatives, c’est juste un moyen pour porter donner l’opportunité aux opportunistes de toucher 40 millions de centimes par mois. Je refuse d’être le faire-valoir pour ces individus », renchérit, Madjid, la vingtaine chômeur de son état.

 

Le centre Anis

 

Pour Madjid, pas question de voter. « Rien qu’en voyant cet établissement (il désigne du doigt le Centre psychopédagogique pour enfants handicapés mentaux, Anis, un gouffre financier pour la réalisation duquel une dizaine d’entrepreneurs se sont succédé), je sais que voter ou pas, cela ne va pas régler le problème. Ils sont tous les mêmes, le produit d’une seule matrice, la prédation », explique-t-il, chagriné. Il tire sur sa cigarette avant de reprendre le fil de la discussion : « Ils nous demandent d’aller voter alors que nous vivons dans une misère crasse ? C’est indécent ! », s’indigne-t-il.

Omar, un lycéen en classe d’examen (Langues étrangères), tient, à quelques mètres de là, les rênes ce qui pourrait ressembler à un bureau de tabac, une propriété de son frère : « Ici, les vieux votent, mais pas les jeunes. Mes parents sont allés voter dès les premières heures du matin. Nous, les jeunes – nous sommes cinq frères – nous n’avons pas l’eau courante h24, mais nous nous abreuvons à la 3G. » Et d’ajouter, le regard malicieux : « Nous sommes ouverts et conscients de tout. Mais il ne faut pas penser que c’est l’effet Dz Joker avec son hymne au boycott. »

Bachir, un ancien de la Garde communale, aujourd’hui au chômage, donne un témoignage qui contraste avec le discours ambiant sur le boycott. Ce père de famille de 43 ans, originaire de M’sila, pense sincèrement que « le vote va au moins épargner au pays l’embrasement ». Mais pas seulement : « On ne veut pas de ça. Je vais aller glisser dans l’urne une liste au hasard, rien que pour accomplir mon devoir. Aucun candidat ne ‘’me remplit l’œil’’. Mais aussi, devant une administration imprévisible, il vaut mieux avoir une carte avec la mention ‘’A voté’’ que vierge ».

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