Depuis plusieurs années, l’Algérie affiche des chiffres impressionnants dans le domaine du logement. L’année 2025 ne fait pas exception, avec des annonces qui dépassent largement la moyenne nationale. Selon les communiqués de l’APS et les bilans du ministère de l’Habitat, environ 336 600 logements ont été distribués à travers le pays depuis janvier, un record alors que la moyenne annuelle tourne autour de 250 000 unités selon les données de l’Office national des statistiques (ONS).
En juillet, une première opération avait permis la remise de 192 318 unités, suivie d’une deuxième vague de 144 601 logements en novembre. Ces chiffres traduisent une volonté politique réelle, mais la crise du logement, elle, reste tangible : selon les estimations du CNL (Centre national du logement), plus de 1,3 million de demandes actives étaient encore en attente à la fin de 2024.
Entre affichage et réalité du chantier
De 2020 à 2024, près de 1,7 million de logements auraient été distribués selon les bilans officiels. Le président Abdelmadjid Tebboune a fixé un nouvel objectif : atteindre deux millions de logements d’ici à 2029, dont un million de logements sociaux. Pourtant, sur le terrain, la demande demeure forte, les listes d’attente s’allongent, et les protestations locales se multiplient.
Le discours public repose essentiellement sur le nombre de logements attribués, rarement sur leurs taux de réalisation ou leur état de conformité. Le ministère annonce régulièrement la pose de la première pierre de 162 736 logements et le lancement du programme AADL 3 (200 000 unités prévues), mais la publication des données d’avancement reste incomplète. À titre d’exemple, selon une note interne du ministère de l’Habitat consultée par El Moudjahid en septembre 2025, près de 35% des chantiers AADL lancés entre 2021 et 2023 accusent un retard supérieur à 18 mois.
Des logements livrés… mais à finir soi-même
Sur le terrain, les témoignages convergent : plusieurs familles bénéficiaires découvrent des logements livrés inachevés. Dans certaines wilayas – notamment Blida, Jijel, et Sétif – les autorités locales ont reconnu que les entreprises de construction n’avaient pas finalisé les raccordements aux réseaux d’eau et d’électricité, ou n’avaient pas assuré la peinture et la pose des sanitaires.
Un rapport de la Cour des comptes (exercice 2023) évoque un taux de non-conformité de 22% dans les programmes de logements livrés entre 2019 et 2022, soulignant l’insuffisance du contrôle technique et le manque de coordination entre la direction de l’urbanisme et les wilayas.
Faute de suivi, de nombreux bénéficiaires doivent achever eux-mêmes leur logement, au prix d’un endettement supplémentaire estimé entre 300 000 et 800 000 dinars selon la Fédération nationale du bâtiment (FNB).
Une ambition louable, mais une confiance à reconstruire
Le programme des 47 nouveaux pôles urbains répartis sur 34 000 hectares, dont ceux de Boughezoul, Hassi Messaoud et Bouinan, témoigne d’une ambition nationale d’aménagement du territoire. Ces nouveaux pôles doivent accueillir près de 1,5 million de logements à l’horizon 2030, selon le schéma national d’aménagement.
Mais l’enjeu dépasse la construction. Il s’agit désormais d’assurer le contrôle des entreprises, la transparence des marchés publics, et une publication régulière des taux d’exécution. En 2024, l’Algérie a consacré près de 1 250 milliards de dinars au secteur du logement, soit près de 10% des dépenses d’équipement de l’État, selon le rapport du ministère des Finances.
Malgré cet effort massif, la confiance du citoyen s’érode face à un sentiment d’inégalité, d’opacité et de lenteur. La politique du logement, pilier social du pays, gagnerait à être repensée autour d’un principe de transparence mesurable : non plus annoncer, mais démontrer.





