La Commission européenne a publié une liste de sept pays considérés comme « sûrs » pour sa politique d’asile. Pourquoi l’Algérie en est-elle absente alors que ses voisins maghrébins y figurent ? Cette décision reflète-t-elle une évaluation particulière de la situation des droits dans ce pays ?
Dévoilée hier mercredi, la proposition bruxelloise désigne officiellement le Kosovo, le Bangladesh, la Colombie, l’Égypte, l’Inde, le Maroc et la Tunisie comme États “sûrs”. Cette qualification signifie concrètement que les ressortissants de ces pays n’auraient a priori pas le profil pour être éligibles à une protection internationale en Europe.
Cette liste s’inscrit dans la préparation du “Pacte asile” européen qui prévoit un filtrage accéléré des migrants aux frontières de l’UE. Pour les ressortissants des pays désignés comme “sûrs”, les procédures seront simplifiées avec une présomption initiale défavorable quant à la légitimité de leur demande.
Malgré cette catégorisation, la Commission maintient toutefois que chaque requête continuera à faire l’objet d’une évaluation individuelle, conformément à la Convention de Genève, même si cette classification préalable modifiera inévitablement le traitement des dossiers et les probabilités d’obtention d’une protection.
Un critère statistique semble avoir guidé les choix européens : les pays retenus présentent tous des taux de reconnaissance d’asile particulièrement bas, souvent inférieurs à 5%, ce qui signifie que leurs ressortissants obtiennent rarement le statut de réfugié au sein de l’Union européenne.
L’Algérie, grande absente de la classification européenne
Dans ce paysage maghrébin reconfiguré par la décision européenne, l’exclusion de l’Algérie de cette liste révèle une évaluation distincte, par les instances européennes, de la situation intérieure algérienne comparativement à celle de ses voisins maghrébins.
Cette exclusion reposerait, selon un haut fonctionnaire de la commission européenne cité par les médias, sur des données statistiques “objectives”. Pour figurer sur cette liste, un pays doit présenter un taux de reconnaissance des demandes d’asile inférieur à 20%. Les informations disponibles indiquent que l’Algérie dépasse ce seuil réglementaire.
Plus précisément, si les ressortissants algériens obtiennent une protection internationale dans plus de 5% des cas, cela suffit à les exclure des critères de la liste selon les paramètres établis par la Commission. Ces chiffres constituent un indicateur indirect mais significatif de l’évaluation européenne de la situation sécuritaire et politique en Algérie.
Il est à noter que cette exclusion intervient dans un environnement juridique marqué par plusieurs affaires emblématiques qui ont retenu l’attention des observateurs internationaux, notamment. Le cas d’Ihsane El Kadi, condamné à sept ans de prison en 2023 pour des motifs liés à son travail de journaliste, l’existence de détenus d’opinion, principalement des militants et activistes du Hirak et plus récemment l’affaire Sansal.
Ce qui surprend donc, c’est la disparité de traitement entre l’Algérie d’une part, et le Maroc et la Tunisie d’autre part, d’autant plus frappante que ces deux derniers pays font également l’objet de rapports documentant diverses problématiques en matière de droits humains. En Tunisie notamment, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a récemment exprimé des préoccupations concernant les pressions exercées sur les voix dissidentes, sans que cela n’affecte son inclusion dans la liste européenne.
Soulignons qu’avant qu’elle ne devienne définitive, la proposition de la Commission doit encore être approuvée par le Parlement européen et les États membres avant d’entrer en vigueur.