Le gouvernement espagnol a officiellement déclaré, mardi, l’état d’urgence migratoire aux îles Baléares, après une hausse spectaculaire des arrivées de migrants sur cet archipel de la Méditerranée occidentale. Selon les chiffres fournis par les autorités des îles Baléares, 4 852 migrants sont arrivés au 31 août 2025, contre 2 717 l’année précédente à la même période.
Selon Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, plus de 90 % des départs enregistrés sur cette route de la méditerranée occidentale proviennent de l’Algérie, avec une hausse spectaculaire de près de 60 % en août 2025 par rapport à l’année précédente.
La déclaration d’urgence migratoire aux îles Baléares vise à faire face à l’augmentation des migrants et à renforcer l’aide humanitaire à ces personnes. 6,75 millions d’euros seront investis pour créer des espaces garantissant l’hébergement des migrants, ce qui comprend la construction de modules dans les ports de Majorque, Ibiza et Formentera, en plus de la possibilité de réserver un hébergement hôtelier si ces modules d’accueil s’avèrent insuffisants.
Madrid prévoit la création d’abris temporaires modulaires dans les ports d’Ibiza, de Formentera et bientôt de Palma, avec des espaces réservés aux femmes et aux mineurs, des services médicaux, de traduction, d’alimentation et d’hygiène. Le ministère espagnol de l’Inclusion et des Migrations note qu’en raison de la tendance observée l’année dernière et la situation géopolitique en Méditerranée occidentale, il a lancé, à partir du premier trimestre 2025, un suivi quotidien détaillé des migrants entrant dans l’archipel par ses côtes, dans le but d’anticiper d’éventuelles difficultés à absorber les arrivées massives.
Des arrivées en nette augmentation
Depuis janvier, 124 embarcations clandestines ont atteint les petites îles Pitiusas (Ibiza et Formentera), transportant plus de 2 000 migrants, dont la grande majorité est d’origine maghrébine. Le dernier débarquement, survenu mardi à Formentera, a vu l’arrivée de neuf personnes, toutes issues du Maghreb.
Selon les autorités locales, la route maritime reliant l’Algérie aux Baléares s’est imposée ces derniers mois comme un corridor migratoire privilégié pour les candidats à l’exil. Cette voie, plus courte que celle menant aux Canaries, est aussi jugée plus dangereuse en raison des embarcations de fortune – communément appelées pateras – utilisées pour la traversée.
Une réticence critiquée à parler d’une “route algérienne”
Malgré les réticences officielles à reconnaître l’existence d’une « route algérienne » bien établie, des membres de la Garde civile espagnole évoquent une réalité différente. Tomás Quesada, porte-parole du syndicat professionnel JUCIL, estime qu’il est « choquant que l’on continue de nier l’existence d’une route consolidée entre l’Algérie et les Baléares alors même que l’état d’urgence migratoire est déclaré ».
« La route algérienne continue d’être cachée et niée [par les autorités], mais elle est la plus fréquentée depuis l’été, surpassant la route des Canaries », a déclaré Helena Maleno, directrice de l’ONG Caminando Fronteras (Frontières ambulantes), rapporte El Confidencial en relevant que de janvier à mai 2025, 328 migrants ont disparu alors qu’ils naviguaient entre l’Algérie et l’Espagne, principalement vers les Baléares.
Pour les forces de sécurité espagnoles, la pression est particulièrement forte à Formentera, petite île de 12 000 habitants, confrontée à une augmentation exponentielle des débarquements en pleine saison touristique.
Cette situation relance le débat en Espagne sur la coopération migratoire entre l’Algérie et l’Espagne, alors que les relations bilatérales ont connu ces dernières années des tensions diplomatiques. Si Alger affirme lutter contre les réseaux de passeurs, les médias espagnols soulignent la multiplication des départs depuis les côtes algériennes, notamment à partir d’Oran et de Mostaganem.