À quelques jours d’intervalle, deux événements récents illustrent une offensive djihadiste ciblée contre les intérêts économiques étrangers au Mali. Le 25 septembre 2025, deux ressortissants émiratis et un Iranien ont été enlevés à Sanankoroba, à 50 km de Bamako, dans une zone jusqu’ici considérée comme relativement sécurisée. Un évènement qui dénote d’une extension géographique de l’action des djihadistes vers le sud du pays ».
Quelques jours auparavant, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, avait intensifié ses attaques contre des sites industriels étrangers, principalement chinois, dans l’ouest et le centre du Mali. Selon un bilan de l’AFP, sept sites industriels étrangers ont été attaqués en 2025, dont six chinois ». Parmi les cibles : des usines de sucre près de Ségou et une mine de lithium exploitée par des Britanniques à Bougouni.
Le 23 septembres, des djihadistes ont publié une vidéo montrant une soixantaine d’hommes se présentant pour la plupart comme des soldats maliens ou burkinabés et demandant à leurs autorités d’obtenir leur libération. La publication de la vidéo par le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, prenait en défaut les autorités maliennes et burkinabées, dominées par les militaires, qui affirment contenir la menace des attaques djihadistes.
Une stratégie de taxation armée
Selon le think tank American Enterprise Institute, ces attaques visent à contraindre les entreprises étrangères à verser des taxes en échange de leur sécurité, tout en discréditant la junte au pouvoir. Le GSIM impose ainsi une forme de fiscalité parallèle, fondée sur la menace, dans des zones où l’État malien peine à exercer son autorité.
La région de Kayes, à l’ouest, est particulièrement stratégique : elle représente environ 80 % de la production d’or du Mali et constitue un corridor vital vers le Sénégal, premier fournisseur du pays. Depuis début septembre, le GSIM y a instauré un blocus, interdisant l’entrée de carburant et menaçant de brûler les citernes ou de tuer les chauffeurs. BBC Afrique souligne que cette paralysie économique locale « compromet gravement les flux logistiques et commerciaux dans la région ».
Des investissements étrangers fragilisés
La Chine, principal investisseur au Mali, a injecté 1,6 milliard de dollars en capitaux privés entre 2009 et 2024, et 1,8 milliard via des projets gouvernementaux depuis 2000. Ces liens économiques sont aujourd’hui menacés : au moins 11 citoyens chinois ont été enlevés dans la région », auxquels s’ajoutent des ressortissants indiens et émiratis.
Une junte en quête de contrôle
Face à cette montée des violences, la junte malienne tente de renforcer son emprise. Elle a récemment nationalisé la plus grande mine d’or du pays, Loulo-Gounkoto, exigeant des centaines de millions de dollars d’arriérés fiscaux à sa société canadienne propriétaire. Sur le plan militaire, la junte bénéficie du soutien de la société privée russe Africa Corps, mais cette alliance crée des tensions avec Pékin, qui privilégie la stabilité pour ses investissements. Ce jeu d’équilibres instables entre partenaires étrangers complexifie davantage la situation.
Des répercussions régionales
Plus de 600 morts liés au terrorisme ont été recensés au Mali entre 2024 et 2025. Le conflit s’étend désormais jusqu’aux abords de Bamako, menaçant les derniers bastions de sécurité.
Les djihadistes du Mali ont adapté leur stratégie en s’attaquant aux ressources, aux corridors logistiques et aux partenaires étrangers. Cette guerre économique fragilise un pays déjà pris dans un engrenage sécuritaire et diplomatique. Les répercussions dépassent largement les frontières maliennes et affectent les stratégies d’investissement des puissances étrangères.