La crise que connait le marché de la banane a rapidement pris de l’ampleur, passant de la flambée des prix à la disparition quasi totale de ce fruit tropical du marché algérien. Quelles sont les raisons de cette situation ?
Pour les commerçants, parler de la banane est devenu tabou. « Voulez-vous que je sois emprisonné ? » répondent tous à la question « Vous avez de la banane ? ». Maghreb Emergent a contacté plusieurs importateurs algériens dont les numéros de téléphone sont disponibles en ligne. Leur réponse est la même : « Nous avons arrêté d’importer, nous ne faisons qu’exporter ».
Les prix ont connu une hausse progressive. D’environ 300 et 400 dinars, le kilo de banane est passé à 500 et 600 dinars, puis à 700 et 800 dinars… en une semaine. Les autorités ont eu recours à des mesures répressives et ont saisi d’importantes quantités de bananes dans plusieurs régions du pays. Cela a poussé l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) à réagir via un communiqué défendant les petits commerçants, les grossistes et les mandataires, tenant les importateurs pour responsables de cette flambée des prix.
Le DG des Douanes et celui de la Sûreté nationale se sont déplacés à Annaba pour surveiller l’opération de saisie de 34 conteneurs de bananes empilés au port à des fins spéculatives, selon les dires.
« Maghreb Emergent » a cependant appris que cette quantité n’avait pas été stockée à des fins de spéculation, mais avait été saisie par les douaniers suite à de fausses déclarations de son importateur, établi à la capitale. Ce dernier avait tenté de faire passer sa marchandise par le port d’Annaba afin d’échapper au contrôle.
Les autorités douanières ont estimé la quantité de bananes chargées dans ces conteneurs à 800 000 kg, soit 8 000 tonnes. Cela représente environ 30 pour cent des importations mensuelles de bananes de l’Algérie (l’Algérie importe 320 000 tonnes en virons si l’on se réfère aux statistiques de l’année 2023) en moyenne annuelle.
Cela signifie que la quantité saisie à Annaba est suffisante pour provoquer une crise d’approvisionnement du marché national de la banane et impacter les prix. Un autre facteur qui a peut-être également joué un rôle dans cette crise.
Restriction des importations depuis l’Équateur
L’été dernier, plusieurs médias nationaux ont rapporté une augmentation de 34% de la quantité de bananes importées par l’Algérie en provenance de l’Équateur. L’Algérie a ainsi contribué à l’amélioration des exportations de l’Équateur, durement touchées par la baisse de ses exportations vers la Russie. Cependant, les exportations équatoriennes sont restées basses en raison des conditions climatiques. Cela s’est produit en août dernier, mais en janvier 2025, la situation a changé et les importations algériennes de bananes équatoriennes ont été pratiquement stoppées.
Un rapport de l’Organisation équatorienne de commerce et d’exportation de bananes « Acorbanec » indique que « contrairement aux politiques commerciales qui ont favorisé les exportations équatoriennes vers les pays asiatiques…, les relations politiques avec l’Algérie ont entraîné une perte importante sur ce marché ». L’organisation estime qu’ « en janvier, environ 1,38 million de cartons ont été interrompus », soit environ 25 000 tonnes (à raison de 18 kg le carton selon les normes mondiales), ce qui représente la quasi-totalité des importations Algériennes.
Acrobanec ajoute que « L’Algérie concentre 70% des exportations de bananes (Equatoriennes) vers la région Africaine. Ainsi la restriction des importations vers ce pays se traduit par une baisse de 60,6% des exportations vers l’Afrique en janvier 2025 par rapport au même mois de 2024 ».