Le Marché noir des devises en Algérie a connu un retournement de situation surprenant. Après une hausse de l’euro face au dinar algérien observée la veille de l’Aid El Fitr, la tendance s’est inversée. Deux mesures gouvernementales ont suffi à faire reculer significativement la monnaie européenne. Ainsi, 100 euros s’échangeaient contre 26 200 dinars au début du mois. Aujourd’hui, jeudi 15 mai, il faut compter 25 850 dinars pour obtenir la même somme. Cette baisse représente un taux de 1,34%.
Les opérateurs du Marché noir qualifient cette diminution d’importante. Elle a semé le doute parmi les acteurs du change parallèle. Un cambiste, s’exprimant sous couvert d’anonymat auprès de Maghreb Emergent, confie son étonnement face à cette évolution.
Deux facteurs principaux expliquent ce recul inattendu de l’euro sur le marché noir.
Intensification de la lutte contre le commerce du cabas
Premièrement, le gouvernement a renforcé les contrôles visant le commerce du cabas. Cette activité informelle, très dépendante des devises issues du Marché noir, est désormais sous surveillance accrue. Le ministère du Commerce intérieur a intensifié ses actions pour freiner ce circuit parallèle.
Par conséquent, un nombre croissant d’opérateurs impliqués dans le commerce du cabas ont préféré suspendre temporairement leurs activités. Ils attendent des clarifications de la part des autorités. Cette suspension a eu un impact direct sur la demande en euros.
« Le commerce du cabas s’approvisionne presque exclusivement sur le Marché noir », explique un cambiste basé à Alger. « Lorsque ces acteurs se retirent du marché, la demande en devises chute mécaniquement. » Cette diminution de la demande a logiquement entraîné une baisse du prix de l’euro sur le Marché parallèle
Blocage partiel de l’importation de véhicules
Deuxièmement, une décision réglementaire a contribué à cette dépréciation de l’euro. Le ministère des Transports a annoncé, le 23 avril dernier, une interdiction de débarquement des voitures importées par les particuliers. Cette mesure concerne aussi bien les véhicules neufs que ceux de moins de trois ans. Les ports d’Alger et d’Oran seront fermés à ces importations entre le 15 juin et le 15 septembre.
Officiellement, cette mesure vise à fluidifier les procédures de retour des membres de la diaspora algérienne pendant la période estivale. Cependant, son impact sur le marché noir est indéniable.
Suite à cette annonce, de nombreux particuliers ont choisi de reporter leurs projets d’importation automobile à l’après-saison. Or, ces importations nécessitent l’achat de devises, principalement des euros, sur le Marché informel.
Moins d’importations signifient donc moins de transactions de devises. Cette diminution de la demande a exercé une pression à la baisse sur le cours de l’euro sur le Marché parallèle.
Des calculs des opérateurs du marché noir mis à mal
Ces deux mesures ont pris de court les cambistes. Ces derniers avaient anticipé une hausse de l’euro durant cette période. Leur prévision reposait sur le retard habituel dans l’application de l’allocation touristique annuelle de 750 euros par adulte. Logiquement, ce retard engendre une forte demande sur le Marché noir, les citoyens cherchant à acquérir des devises pour leurs voyages à l’étranger.
Cependant, le renforcement des contrôles sur le commerce du cabas et le blocage partiel de l’importation de véhicules ont contrecarré ces anticipations. Le marché noir a réagi de manière inattendue, enregistrant une baisse significative de la valeur de l’euro.
L’intervention du gouvernement à travers ces deux mesures organisationnelles a réussi à stopper, voire inverser, la tendance haussière de l’euro sur le parallèle des devises en Algérie. Cette situation a créé une incertitude palpable parmi les acteurs du change parallèle, remettant en question leurs stratégies habituelles. L’évolution future du Marché noir dépendra de la pérennité de ces mesures et d’éventuelles nouvelles initiatives gouvernementales.