Pour la première fois, un grand média français, Le Monde, enquête ouvertement sur la fin de règne de Mohammed VI. Ce premier volet met en avant tensions, recompositions et inquiétudes au sommet de l’État marocain.
Selon le quotidien français, une « atmosphère de fin de règne » s’installe. D’autres observateurs y voient plutôt une phase de recomposition, où santé du roi, montée en puissance du prince héritier et rivalités internes s’entrecroisent.
Depuis plusieurs années, Mohammed VI, 62 ans, alterne entre absences prolongées et apparitions médiatisées, souvent contradictoires. Ces mises en scène ne suffisent pas à dissiper les doutes persistants sur sa disponibilité. Pendant ce temps, le prince héritier Moulay El Hassan, 22 ans, prend une place croissante dans l’espace public, notamment lors de visites officielles ou à travers sa promotion militaire.
Les tensions internes ne manquent pas. L’influence passée des frères Azaitar, sportifs à la réputation controversée, avait suscité la méfiance des élites traditionnelles avant de s’estomper. Plus récemment, une série de piratages informatiques visant des hauts responsables a révélé des données sensibles sur leurs patrimoines. Ces fuites ont été revendiquées par un groupe se présentant sous le nom de « JabaRoot DZ ». La référence à l’Algérie a été lue comme un signe d’ingérence, mais de nombreux analystes y voient plutôt une diversion, destinée à masquer une origine interne aux rivalités marocaines.
Le retour de Lalla Salma inquiète
Un autre élément attire l’attention : la réapparition publique de Lalla Salma, ex-épouse du roi. Longtemps absente, elle est apparue aux côtés de son fils, nourrissant les spéculations sur son rôle futur auprès du prince héritier.
Sur le plan économique, la figure d’Aziz Akhannouch, chef du gouvernement et grand patron, illustre la porosité entre affaires et politique. Ce capitalisme de connivence cristallise le mécontentement, mais la monarchie reste protégée par une sacralité qui détourne les critiques vers ses collaborateurs.
Au final, Le Monde décrit un climat de fin de règne. Mais pour d’autres, le Maroc traverse avant tout une recomposition délicate, où les rapports de force se redéfinissent dans l’ombre de la succession.
Économie : Enrichissement royal et capitalisme de connivence
Selon Le Monde, l’économie marocaine sous Mohammed VI se caractérise par une imbrication croissante entre monarchie et intérêts privés. La holding royale Siger, présente dans la banque, l’énergie, l’agriculture et l’immobilier, illustre cette montée en puissance. Des accords stratégiques, comme celui signé en 2024 avec le groupe émirati TAQA (12 milliards d’euros), soulignent l’influence directe du palais dans l’économie nationale.
Dans ce contexte, Aziz Akhannouch, Premier ministre et patron du groupe Akwa, symbolise la fusion entre pouvoir politique et affaires privées. L’attribution de grands marchés à ses entreprises, notamment celui du dessalement de Casablanca, a été dénoncée comme un cas de conflit d’intérêts. Même si l’intéressé rejette ces accusations, sa double casquette nourrit les critiques.
Une partie de la presse proche du palais, comme Le360, n’hésite pourtant pas à l’attaquer. Cela traduit une stratégie classique : détourner la colère populaire vers les responsables politiques, tout en préservant l’image du roi. Ce mécanisme, enraciné dans la tradition marocaine, reste intact.