L’annulation de l’Aïd al-Adha coûte 1,3 milliard de dollars à l’économie marocaine, soit une perte équivalente à 14% du PIB que génère habituellement le secteur agricole. Cette facture salée résulte d’un choix stratégique : préserver les dernières réserves de bétail du royaume après six années de sécheresse qui ont réduit de moitié le cheptel disponible pour le sacrifice traditionnel.
La décision royale de février dernier répond à une urgence climatique sans précédent. Le cheptel disponible représentait seulement 3 millions de têtes contre les 6 millions habituellement demandées selon le ministère de l’Agriculture. Plutôt que de vider définitivement les réserves animales, les autorités ont préféré préserver l’avenir du secteur qui emploie 40% de la population active.
Un manque à gagner qui se propage
L’annulation frappe au cœur d’une tradition économique solidement ancrée. 87% des familles marocaines pratiquent le sacrifice de l’Aïd, transformant cette fête religieuse en véritable moteur économique national. Les zones rurales captent l’essentiel de ces revenus, particulièrement les éleveurs pour qui l’Aïd constituait le principal financement annuel de leurs activités agricoles.
Les répercussions touchent toute la chaîne économique : marchés aux bestiaux, transporteurs, bouchers et vendeurs d’accessoires perdent leurs revenus les plus importants de l’année. Le timing aggrave la situation car l’annulation coïncide avec la saison des moissons, période cruciale où les agriculteurs ont besoin de liquidités. Beaucoup devront s’endetter ou reporter leurs investissements.
Rashid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture, reconnaît l’impact négatif tout en défendant la logique à long terme : « La reconstitution du cheptel nécessite au moins trois ans, mais cela bénéficiera au secteur dans les années à venir. »
Une aide d’urgence de 650 millions de dollars
Le gouvernement a débloqué un programme de soutien de 6,2 milliards de dirhams (650 millions de dollars) sur deux ans pour accélérer la reconstitution du cheptel. Cette enveloppe prévoit l’annulation partielle des dettes des éleveurs, la subvention des aliments pour bétail et des primes pour éviter l’abattage des femelles reproductrices.
L’aide gouvernementale représente la moitié des revenus perdus, un effort financier considérable pour les finances publiques. De telles décisions restent exceptionnelles : le défunt roi Hassan II avait annulé la fête trois fois seulement, une fois pour des raisons économiques liées à la guerre des Sables avec l’Algérie, deux autres fois à cause de sécheresses sévères.