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Maroc: Un rapport officiel pointe les retards dans le développement du Rif : trois ministres limogés

Par Yacine Temlali
26 octobre 2017
Photo d'archives : une manifestation à Al Hoceima arborant le portrait de Mohcine Fikri, le poissonier broyé dans une benne à ordure communale dont la mort a déclenché les contestations rifaines.

Un rapport de la Cour des comptes observe que depuis la signature de la convention-cadre en octobre 2015 et jusqu’à février 2017,  »il y a eu une insuffisance, voire une absence d’initiatives pour démarrer l’exécution effective des projets ».  »Ainsi, ajoute-t-il, sur les 644 projets prévus dans le programme, les réalisations à fin 2016 se limitent à 5 projets achevés (146,8 MDH) et 45 projets en cours (565 MDH) ».

 

 

Séisme politique au Maroc après les fracassantes révélations du rapport de la Cour des comptes, commandé par le roi Mohamed 6, sur les retards et les dysfonctionnements dans le développement de la région du Rif.

La décision du monarque de limoger trois ministres et un secrétaire d’Etat du gouvernement El Othmani (PJD, islamiste modéré) intervient au lendemain de la présentation au monarque de la synthèse du rapport de la Cour des comptes, présidée par l’ex-chef de gouvernement Driss Jettou, sur le retard dans l’application du  »programme Al Hoceima, Manarat Al Moutawassit », doté de plusieurs milliards de dirhams.

Rendus responsables du retard accusés par la réalisation du programme de développement de la région d’Al Hoceima, trois ministres (Intérieur, Habitat, et Santé), ont sauté.

En octobre 2016, la mort effroyable d’un poissonnier à Al Hoceima, a été le détonateur d’une contestation populaire généralisée dans le Rif, avec comme principale accusation des jeunes du Hirak contre le pouvoir central, la marginalisation de la région, la corruption de l’administration locale et le chômage et le manque d’infrastructures. 

 

 »Une insuffisance voire une absence d’initiatives »

 

La contestation a été violente et plusieurs manifestations ont été organisées entre octobre 2016 et juillet 2017. Résultat: des arrestations de plusieurs centaines de jeunes du mouvement Hirak, d’autres de la région. Plusieurs ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement, alors que d’autres, dont les leaders du mouvement, Nasser Zefzafi et Ahmed Ahmadjik, attendent encore leurs procès.

Dans ses conclusions, le rapport de la Cour des comptes relève notamment que  »la mise en œuvre du programme a connu un démarrage timide ». En effet, observe-t-il, depuis la signature de la convention-cadre en octobre 2015 et jusqu’à février 2017, il y a eu une insuffisance, voire une absence d’initiatives pour démarrer l’exécution effective des projets par la plupart des intervenants aussi bien au niveau central que local ».

 

Cinq projets réalisés sur 644

 

 »Ainsi, ajoute le rapport, sur les 644 projets prévus dans le programme, les réalisations à fin 2016 se limitent à 5 projets achevés (146,8 MDH) et 45 projets en cours (565 MDH)  ». Les raisons avancées par plusieurs parties prenantes pour expliquer ce retard se rapportent à la réception tardive de la convention-cadre, à la non programmation des crédits budgétaires et aux difficultés de mobiliser le foncier.

La cour des comptes estime que ces arguments ne peuvent justifier le manque d’initiatives pour entamer le démarrage du programme :  »Le retard dans la notification de la convention aurait pu être évité par la remise aux différentes parties-prenantes, de copies certifiées conformes à l’original, dès le lendemain de la signature de la convention ».

Les experts de la Cour des comptes enregistrent une amélioration dans l’exécution du  »programme Al Hoceima, manarat el Moutawassit », mais après plus de huit mois de manifestations, de protestations, de violations des droits de l’Homme dans l’ensemble de la région rifaine, des centaines d’arrestations d’activistes rifains. Il souligne, en effet, qu’ »avec l’installation du nouveau Gouvernement, et surtout après le Conseil des ministres du 25 juin 2017, une nouvelle dynamique a été enregistrée et comme conséquence de cette mobilisation, l’état d’avancement du programme s’est amélioré de manière significative », avec 512 projets en cours de réalisation ou en phase de démarrage, pour un montant global de 3,9 MMDH.

 

Que fera El Othmani

 

Pour le moment, le chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani a écarté un remaniement élargi, et toutes les suppositions penchent pour un remplacement des ministres déchus. Les tractations devraient avoir lieu dans les prochains jours entre la majorité gouvernementale. 

La procédure de limogeage des trois ministres fait débat, car c’est le roi qui est intervenu directement, après avoir pris connaissance des conclusions du rapport de la Cour des comptes.  »Le limogeage survenu hier procède d’une autre procédure, qui n’a jamais été évoquée par le chef du gouvernement, ni qui était à l’ordre du jour », indique Saâd Loudiyi, chef de cabinet de Saad Eddine El Othmani. « Pour l’instant, nous disposons d’un communiqué clair du cabinet royal. Le chef du gouvernement proposera uniquement des noms pour remplacer les responsables démis de leurs fonctions », a-t-il ajouté dans une déclaration à l’hebdomadaire TelQuel.

 

Pour les Rifains,  »c’est insuffisant »

 

A Al Hoceima, on estime que les décisions du roi sont insuffisantes.  »Ce qu’a fait le roi, c’est bien, mais c’est insuffisant. Car ceux qui ont failli à ces postes à responsabilités doivent être présentés devant le juge, pas seulement limogés puis remplacés par quelqu’un d’autre », estime un habitant d’Al Hoceïma cité par RFI.

Un autre rifain, cité par la même radio souligne que  »c’est normal que les ministres soient limogés et c’est grâce au Hirak ». Et d’ajouter que  »d’autres villes doivent faire la même chose » et doivent elles aussi  »protester ».

Pour Azzedine Akesbi, de Transparency Maroc,  »ces dysfonctionnements concernent plusieurs régions autres que le Rif ». Et d’expliquer :  »Il faudrait avant tout résoudre les problèmes de gouvernance pour répondre réellement aux besoins des Marocains. Cette décision est la reconnaissance au plus haut niveau de l’Etat que c’est un problème global de développement et qu’il serait très difficile d’isoler les responsabilités au niveau d’un ou plusieurs ministres. »

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