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« Modernisation de la société » : le CPP évalue les années Bouteflika (audio-vidéo)

Par Yacine Temlali
12 mars 2016
Photo : Maghreb Emergent

La société algérienne est-elle plus conservatrice à la fin des années Bouteflika qu’à ses débuts en 1999 ? Tel a été le sujet débattu par les journalistes, Abed Charef, Ihsane El Kadi et Saïd Djaafer, au cours de l’émission Café presse politique (CPP) de Radio M, du jeudi 10 mars.

Pour répondre à la question, l’animatrice de l’émission politique hebdomadaire de Radio M, Souhila Benali, a commencé par prendre le pouls de la société algérienne en 2016 en s’arrêtant sur les « pulsations » des droits des femmes, des discours politique et religieux, du rapport à la religion ou à la religiosité, de l’islamisme dans le monde réel de Kamel Daoud, etc. « Le simple fait qu’on se pose la question, c’est qu’il y a un doute », a d’emblée esquissé Ihsane El Kadi.

Dans la foulée, le directeur de l’agence Interface Médias éditrice de Maghreb Emergent, a avoué la difficulté de dresser le bilan sociétal des années Bouteflika : « Il y avait un projet modernisateur sous les années Boumediène mais il n’y a pas eu de projet clair dans les années Bouteflika », a-t-il déclaré. « Or, il  ne peut pas avoir de modernisation sans un projet de modernisation ».

 

Une société éclatée

Une idée partagée par Saïd Djaafer, directeur éditorial du Huffington Post Algérie,  qui a rappelé qu’un état qui ne dispose pas d’une légitimité suffisante et forte ne peut être un agent de la modernisation. « Il est un acteur de la conservation » a-t-il jugé en rappelant qu’à son arrivée au pouvoir, après la crise des années 90, Abdelaziz Bouteflika a « négocié une forme d’arrangement » : le système politique ne change pas mais la société fait ce qu’elle veut. « Ça a donné ce panache avec du Daech, de la bigoterie, de l’obscurantisme, etc »

« L’Etat ayant lâché son rôle modernisateur, toute la question est de savoir quelle pente a pris la société algérienne : celle de la régression ou celle du progrès », a renchéri Ihsane El Kadi. « Dans les années 70, on avait des militants qui allaient dans les quartiers populaires, aujourd’hui les progressistes sont dans un entre-soi et se mettent dans une position extérieure tandis que les islamistes sont dans les quartiers », a relevé Saïd Djaafer.

En fait il y a toujours un décalage entre ce qu’est la société algérienne et ce que chacun de nous aimerait qu’elle soit, a souligné de son côté Abed Charef, journaliste indépendant. « Le nombre de femmes au Parlement est une fausse représentation de la société qui ne compte pas autant de femmes engagées en politique », a-t-il souligné.

« Bouteflika a trouvé des artifices pour avoir plus de femmes en politique mais leur rôle n’a pas beaucoup avancé dans cette sphère, en revanche, il a avancé ailleurs », a poursuivi le journaliste en témoignant : « Moi, je viens d’un milieu rural où les femmes n’avaient pas d’existence du tout jusque dans les années 60 -70. Aujourd’hui, elles vont à l’école et elles sont présentes dans certains espaces des villes de l’intérieur du pays ».

 

Quel projet religieux pour notre société ?

Il y a une multitude de projets islamistes car nous sommes dans un pays musulman, a souligné Saïd Djaafer, mais la nouveauté c’est qu’il y a des mouvements politiques qui veulent appliquer un système où la religion régirait toute la vie politique.

Pour Ihsane El Kadi, « il y a une attitude très utilitariste du pouvoir avec la religion ». « On est un peu dans le retour à une forme d’approche coloniale de la fonction religieuse où ceux qui développent l’abêtissement des masses sont bons et ceux qui éveillent les masses à leur autonomie politique sont à combattre… et ça donne le salafisme » a analysé le directeur de Maghreb Emergent.

Saïd Djaafer pointe de son côté  un  problème dans la formation des imams. « Continuer à dire, en 2016 que le séisme est une malédiction divine  est une aberration », a-t-il relevé en suggérant que les imams soient astreints à étudier les disciplines scientifiques.

 

Nœud politique

En réalité, le fond du problème n’a pas été résolu a souligné Saïd Djaafer qui estime que la réconciliation a été une fausse sortie de crise.  « On reste enfermé dans notre propre vision car l’idée de violence n’a pas été extirpée par une verbalisation du traumatisme », a-t-il déclaré en appelant à « un débat d’ordre national ».

« Le nœud est politique », affirme Abed Charef, estimant « qu’il fallait réagir le jour du 3e mandat ! »

Finalement « la mère de toutes les modernisations est celle de l’Etat et de la vie politique : si on n’a pas engagé celle là, le reste est difficile », a conclu Ihsane El Kadi. 

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