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Finances

Mohamed Gharnaout (Analyste financier) : « Il y a un risque de conduire le système bancaire algérien à l’étouffement »

Par Saïd Djaafer
23 octobre 2016

 

Certains analystes placent beaucoup d’espoirs sur une hausse des prix du pétrole après la réunion de l’OPEP à Alger. L’analyste financier, Mohamed Gharnaout refroidit les ardeurs: cela ne sera pas suffisant pour redresser la situation économique en Algérie. Il pointe un risque « d’étouffement » du système financier. Entretien.

Une augmentation éventuelle des prix de pétrole est-elle suffisante pour redresser la situation économique en Algérie ?

 Non, car le pays a eu des ressources astronomiques depuis notamment 2008 où le prix du brut avait atteint les 150 dollars le baril, c’est-à-dire, dans une période d’exubérance irrationnelle qui a conduit pas la suite à une crise financière qui n’a jamais égalée depuis 1992, sans qu’il y ait des niveaux de croissances adéquats par rapport aux ressources engagées.

 Donc le problème n’est pas uniquement financier, même si celui-ci reste important mais surtout un problème d’allocation des ressources, c’est-à-dire, de gouvernance de l’économie. Si ce problème n’était pas visible, c’est parce qu’il était caché par l’abondance des ressources financières.

Une bonne gouvernance de l’économie implique une synergie et une harmonie entre les différentes politiques sectoriels : budgétaires, monétaires, extérieurs et leurs prix respectifs (taux d’imposition, taux d’intérêt, taux de change et endettement extérieur) notamment avec un objectif de taux de croissance du secteur réel bien ciblé et suivi alors que celle-ci n’existe pas chez nous, dans le sens, ou il n’existe aucune institution qui l’assure. Du moins visiblement. Est-ce que le tarissement des ressources financières va conduire l’état à mieux gérer ses deniers et partant son économie ? C’est ce qu’on espère.

 

Le problème d’inflation semble resurgir ces derniers mois, est-ce un handicap pour l’économie ?

 Non, ce n’est pas un handicap pour une économie bien gérée, c’est-à-dire, où toutes les institutions travaillent d’une manière harmonieuse. Ce n’est pas le cas malheureusement chez nous. Oui, dans une économie où les institutions sont des tours d’ivoire infranchissables car en effet,  l’inflation est le cancer de l’économie. Si vous ne l’attaquez pas de prime à bord, elle ronge tous ses secteurs.

Quel que soit son origine, celle-ci s’exprime à tous les niveaux, et d’abord au niveau du secteur réel, les prix des produits à la consommation augmentent, ce qui conduit globalement à une baisse de consommation, de la production et à la mise en chômage d’une partie des employés.

 S’il s’agit du nouvel investissement, il y a un risque d’abandon de l’investissement, ce qui conduit à l’accroissement du chômage dont l’ampleur dépend du taux de croissance de la population. L’accroissement du chômage entraine généralement l’augmentation de tous les autres fléaux sociaux (vols, grèves, etc.).

 Au niveau du secteur extérieur par une surévaluation de la monnaie par rapport à celles du reste du monde et donc à un empêchement des exportations hors hydrocarbures. Une telle situation pourrait également conduire à une dévaluation de la monnaie et partant au syndrome hollandais qui ne veut pas nous quitter depuis une belle lurette !

 Au niveau du secteur bancaire, toute chose étant égale par ailleurs, l’augmentation des prix des produits de consommation accroit la propension à consommer et partant à diminuer celle de l’épargne et donc des dépôts auprès des banques alors que la valeur des remboursements des crédits alloués, diminue.  Cette situation, à moins d’une augmentation des taux d’intérêts et des commissions et ou une augmentation du capital, risque de conduire le système bancaire à l’étouffement.

 Le secteur public, c’est-à-dire, l’Etat à travers le Trésor, est la seule institution qui ne perd pas beaucoup dans une situation inflationniste- le rythme d’inflation annuel est à 5,8% en août (ONS)- c’est l’Etat, puisqu’il peut augmenter ses ressources fiscales à travers la taxe d’inflation alors qu’il paye, en même temps, ses employés avec une monnaie de singe !

 Dans ce cas, peut-on s’attendre à une privatisation des banques publiques ?

 Non, je ne pense pas que les autorités politiques veulent aller dans ce sens et ce pour une raison très simples : le problème des banques publiques découlent des entreprises publiques qui demeurent moribondes malgré les milliards dépensées par l’Etat pour les restructurer et les recapitaliser. Donc, s’il y a lieu d’agir pour rendre les banques publiques plus viables ça sera au niveau des entreprises publiques.

 Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire dans ce secteur. En effet, on peut faire des privatisations partielles par une ouverture du capital au public local et ou avec des partenaires bancaires étrangers dont la gestion de leurs banques se trouvent classée dans le top 10.  Dans ce contexte et pour apporter plus d’efficacité au secteur bancaire, je vois le CPA, puis peut être la BDL, comme une bonne candidate à la privatisation.

Entretien réalisé par Karim Sabeur

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