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Maghreb

Monia Ben Hamadi, journaliste tunisienne : « A défaut d’alliances pour former l’exécutif ce sera le blocage politique »

Par Yacine Temlali
27 octobre 2014
Le leader de Nidae Toues, Béji Caïd Essebsi, a présidé le Parlement de Ben ALi mais il se veut surtout l’héritier du président Bourguiba.

Pour notre consoeur  d’El Huffington Post Tunisie, les Tunisiens ont fait un vote sanction contre Ennahda et Nidae Tounes est bien plus divers qu’un front des anciens du régime de Ben Ali. Le taux de participation de 60%, explique-t-elle, est dû aussi au fait que seuls les électeurs qui se sont volontairement inscrits ont pu aller voter hier.

 

Le taux de participation aux élections législatives est de 61%, alors qu’il était de 71% pour les élections de l’assemblée constituante en 2011. Comment expliquez-vous ce recul ?

 

A mon avis, deux raisons expliquent ce recul. La première est technique. En 2011, les électeurs étaient inscrits automatiquement sur les listes électorales. Cette fois-ci, seuls les inscrits volontaires avaient la possibilité de s’exprimer par les urnes. Parmi ces 5 millions d’inscrits volontaires, 60% ont voté, ce qui correspond à environ 3,2 millions de personnes, contre 4,2 millions en 2011. La deuxième raison est qu’il y a un désintérêt de la chose politique chez les Tunisiens, et cela est dû à la succession de crises économiques et politiques et à l’insécurité que connaît le pays depuis la révolution. On peut dire qu’il s’agit d’une perte de confiance vis-à-vis des politiciens chez un bon nombre de citoyens.

 

La coalition laïque Nidae Tounes est arrivée en tête de ces législatives selon les résultats provisoires donnés par les observateurs. De quelles forces ce parti nouvellement créé se compose-t-il ? Peut-on parler d’un retour des Benalistes par son biais ? 

 

Il est vrai que le président de ce parti, créé officiellement en juillet dernier, Béji Caïd Essebsi, était président de la Chambre des députés sous Ben Ali, mais cela ne veut pas dire qu’il représente les anciens du régime du président déchu. Il faut rappeler qu’il était aussi le Premier ministre de transition après la révolution. Nidae Tounes regroupe certes d’anciens membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (parti de Ben Ali, NDLR), mais pas seulement. On y trouve aussi des syndicalistes, des socialistes et d’autres courants de la gauche. Cependant, il peut être considéré comme un retour de l’ancien régime par opposition à Ennahda.

 

Justement comment expliquez-vous le recul d’Ennahda dans ces élections ?

 

Le bilan de quatre années de règne d’Ennahda n’est pas positif, et ce, sur tous les plans. Le chômage a augmenté, la crise économique s’est accrue, une montée du terrorisme est observée dans tout le pays, il y a eu des assassinats politiques, etc. Ennahda n’a rien fait pour tenir les engagements de la révolution, et son bilan était en deçà des attentes des électeurs, c’est pour cela qu’il a perdu du terrain au profit de Nidae Tounes.

 

Pensez-vous que les Tunisiens ont fait un vote »refuge » en faveur d’une certaine « stabilité » ?

 

Oui, mais pas seulement. En plus du fait que les gens affichent une volonté de retour à la stabilité et la sécurité, Nidae Tounes est un parti fort, anti islamiste, et les Tunisiens ont fait un vote-sanction contre Ennahda.

 

Si ces résultats provisoires se confirment, comment voyez-vous la composition du futur gouvernement ?

 

Il faut noter, tout d’abord, qu’aucun de ces deux partis rivaux n’a eu la majorité absolue, et que les autres formations politiques ne sont pas forcément pour l’un ou l’autre. Face à de telles données, trois scénarios se profilent. Le premier est l’obligation pour ces deux partis de contracter des alliances avec les formations qui partageraient leurs visions. Le deuxième est celui dans lequel ces deux partis seraient contraints de créer un gouvernement d’union nationale. Le troisième scénario est celui du blocage politique en cas d’impossibilité de réaliser une des deux options précitées.

 

Quelles seraient les retombées de ces résultats sur la situation économique vacillante du pays ?

 

Il trop tôt pour se prononcer sur les conséquences économiques de ces élections. Cela dépendra de la forme que prendra le prochain gouvernement, et surtout des négociations que Nidae Tounes et Ennahda mèneront ensemble. Créer un climat de stabilité et de confiance à même d’attirer les investisseurs étrangers, les professionnels du tourisme, etc. dépendra de l’issue de leurs discussions.

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