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Maghreb

Mouvements sociaux : Quel impact ont les fermetures de route sur l’économie locale?

Par Yazid Ferhat
25 novembre 2014
Les protestataires privilégient la fermeture des routes car son impact est immédiat : tout le monde en parle
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Quelque 200 mouvements sociaux ont été enregistrés durant l’année 2013 dans la wilaya de Béjaïa.

 

 Le chiffre a été confirmé par le wali de Béjaïa lors d’une récente conférence de presse. Et on s’achemine vraisemblablement vers un autre record en cette année 2014, qui tire vers sa fin Ces mouvements sociaux sont, en général, synonymes de fermeture de route. Les protestataires privilégient, en effet, ce mode de protestation car son impact est jugé immédiat : tout le monde en parle ; la radio, la presse écrite et électronique et les chaines privées sont là pour relayer.

Mais quid de l’impact de ces fermetures de routes, devenues récurrentes, sur les entreprises, privées ou publiques, et d’une manière générale sur l’économie locale ? Une chose est sûre les patrons interviewés sont au bord de la crise de nerf ; les usagers de la route exaspérés ; d’aucuns n’excluent d’ailleurs pas des affrontements entre manifestants et contre-manifestants si le phénomène devait persister et si le pouvoir politique tergiverse encore à faire intervenir la force publique pour libérer la route.

Une perte de 2 millions de dinars par heure

Le phénomène des fermetures de routes occasionne quelque 2 millions de dinars de manque à gagner, et par heure, à l’entreprise portuaire ainsi qu’à la communauté portuaire de Béjaïa (Armateurs, transitaires, consignataires, etc.). Pour le P-dg du port de Béjaïa, Djelloul Achour, «chaque heure de perdue en raison de ces fermetures de routes se traduit par une perte sèche de 2 millions de dinars mais pas seulement au port de Béjaïa mais à toute la communauté portuaire», a-t-il indiqué à Maghreb Emergent.

Plus encore, il a estimé que «l’impact des fermetures de routes sur l’activité portuaire est préoccupant». La preuve : «les chargements ont baissé sensiblement». La raison : les camions, qui sont bloqués dans les barrages, «peinent à rejoindre le port et les quais de chargement avec toutes les conséquences qui en découlent, autant sur leur chargement, les délais de livraison, qu’au plan des ruptures de charges au niveau des navires.»

Il est vrai aussi que quelque 1200 camions fréquentent quotidiennement le port de Béjaïa, qui pour charger, qui pour décharger, mais dont l’activité à plein régime est subordonnée, souvent, à ce phénomène de blocage des routes, motivé pour l’essentiel par des revendications sociales, articulées autour de l’état des routes, de l’alimentation en eau, en électricité et en gaz, en assainissement, etc.

Des clients découragés

Joint par téléphone, Mohamed Bessa, directeur de la Communication et des Exportations chez Général Emballage dira avec regret que : «la fermeture des routes produit une quasi-paralysie de (leur) logistique d’approvisionnement et de vente. Ils nous arrivent ainsi d’être dans l’impossibilité de fournir nos clients et de nous fournir en matière première sinon au prix de mille détours qui alourdissent nos charges de transport. Il faut savoir que quelques 80 camions quittent notre quai produits finis chaque jour.»
La même situation est vécue par les dirigeants de la SNC Khodja et cie, un établissement agroalimentaire spécialisé dans les produits oléicoles et du terroir. Son patron, Zahir Khodja, qui est également président de la Fédération algérienne de l’olive, a confié que son entreprise a perdu au bas mot 300 clients potentiels ; les clients refusant de faire le déplacement jusqu’à Seddouk, siège de la SNC Khodja et cie, pour s’approvisionner en différentes catégories d’huiles d’olive, de câpres, de figues sèches ainsi que de la majorité des fruits et légumes, commercialisés avec la marque «Blady» en raison des fermetures intempestives des routes.

 « Il faut couper la route pour avoir de l’eau »

 Mais pour Zahir Khodja, il n’y a pas que le phénomène de coupure de routes qui pose problème. Un point sur lequel a insisté un cadre d’une entreprise publique, qui a requis l’anonymat : «Il n’y pas que les coupeurs de route qu’il faut incriminer dans cette affaire mais le pouvoir politique, qui semble à travers ses représentants encourager cette forme de inédite de protestation.» Les citoyens recourent à ces actions extrêmes lorsqu’ils ont épuisé toutes les voies de recours possibles ou lorsque des engagements publics ont été pris et qui ne sont pas suivis d’effet. «Il faut couper la route pour avoir de l’eau, du gaz ou un réseau d’assainissement ; c’est le message que délivre l’administration», a déploré ce cadre, qui n’aspire qu’à une chose : «vivement la retraite.» Son collègue plus jeune est tout aussi sceptique quant à l’avenir de la région : «si ce statut quo préjudiciable devait perdurer, le tissu économique va s’effilocher progressivement. Pis, on va assister impuissant à des délocalisations car il faudrait être fou pour continuer à travailler dans ces conditions-là».

 Commission interministérielle

Dans une période récente  les pouvoirs publics semblent tenter de réagir. Une commission interministérielle est attendue ce mardi à Béjaïa pour aborder la question des fermetures de route avec les élus de l’APW et des APC ainsi qu’avec les membres de l’exécutif de wilaya. La rencontre survient après celle qui a eu lieu, mercredi dernier, au ministère de l’Intérieur où était convoqués le wali de Béjaïa ainsi que des élus. Ceux du FFS ayant décliné l’invitation. Le parti ayant rendu publique l’avant-veille une déclaration incendiaire contre le wali qu’on accuse d’être l’élément de blocage et à l’origine du retard qu’accuse des projets éminemment structurants : la pénétrante autoroutière, le dédoublement de la voie ferrée, le dédoublement de la RN n°26, les oppositions qui freinent le développement du réseau de gaz naturel mais aussi des logements sociaux locatifs.

La réunion a été présidée par le SG du ministère de l’Intérieur en présence du wali de Béjaia et de quatre présidents d’APC de la daïra de Chemini dont les populations réclament avec insistance le raccordement de leurs villages au réseau de gaz de ville et ceux des communes de Fennaia, de Kherrata et de Tazmalt.

Selon l’un des participants à cette rencontre, le SG du ministère aurait donné son aval afin de mobiliser l’argent nécessaire pour l’inscription de 15 communes non encore alimentées en gaz de ville dans un programme exceptionnel. Les maires des communes concernées se sont engagés, quant à eux, à aplanir les différents et à prévenir les oppositions au passage des conduites et ouvrages des réseaux électricité et gaz, d’adduction à l’eau potable.

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