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Nessma TV quitte l’Algérie, ses annonceurs volatiles et ses verrous stables

Par Maghreb Émergent 7 janvier 2014
Fin de l'aventure audiovisuelle des frères Karoui en Algérie (DR)

Au moment où l’avenir des chaînes privées algériennes demeure encore suspendu au renouvellement de leur autorisation par le Ministère de la Communication, Nessma TV, la chaine des frères Karoui, voit son destin s’arrêter en ce début 2014 en Algérie. La faute aux difficultés financières. Mais pas seulement. 

Fin de la saga Nessma en Algérie. Quatre ans après l’ouverture d’un bureau à Alger, le dernier chapitre de la chaîne privée tunisienne dirigée par Nebil Karoui s’est clôt le 31 décembre, jour où les contrats des derniers salariés n’ont pas été renouvelés. « Il ne reste plus qu’une seule journaliste, Yamina Saïdouni, qui s’occupe de l’émission de télé réalité Jek El Marsoul », témoigne Linda Khalfa, ex-directrice de Nessma TV à Alger qui, après quatre années de bons et loyaux services, a vu son contrat s’arrêter sans préavis. C’était en juin 2013.

Depuis son départ, la situation de la chaine TV a empiré, jusqu’au coup fatal porté cet été par l’un des principaux sponsors de la chaîne, l’opérateur téléphonique Djezzy, qui a mis fin à son contrat avec Nessma TV. Seuls subsistent, désormais, les locaux, situés dans le quartier chic de Hydra à Alger, et les souvenirs de grands moments de télévision comme les élections législatives de mai 2012 ou les représentations de vedettes algériennes sur le plateau de l’émission Ness Nessma. 

Du divertissement à la politique

Tout avait pourtant joliment commencé. Sur le papier, le scénario semblait parfait. Faire de Nessma, la télé du Grand Maghreb, était l’ambition de son PDG, qui s’était donné cinq ans pour y parvenir. Le siège, situé à Tunis où la chaîne a été lancée en 2007 avec la Star Academy Maghreb, diffuse les émissions dont les contenus proviennent à la fois de l’Algérie et du Maroc où des bureaux sont ouverts en 2009. « Nous étions tenus de livrer un tiers du contenu de la chaîne », raconte Linda Khalfa, qui a présidé à l’installation de Nessma en Algérie en juin 2009, « au début, à travers, le casting de candidats algériens à l’émission Qui veut gagner des millions puis, plus tard, à travers, l’envoi de personnalités algériennes et de reportages tournés en Algérie au talkshow quotidien Ness Nessma ».

En l’absence d’un cadre juridique encadrant la présence de chaînes privées dans le pays, Nessma – la toute première chaîne privée à s’être installée – ne bénéficie d’aucun statut légal. Son fonctionnement repose sur la société de production et de communication, Interactive Algeria, propriété de Nabil Keroui, qui est chargée de produire le contenu pour Nessma. « Nous n’étions pas Nessma, nous avions un contrat avec Nessma », précise Linda Khalfa. « Nous étions une chaîne harraga », plaisante-t-elle.

« Malgré nos demandes répétées auprès du ministère de la Communication, nous avons obtenu notre première accréditation officielle en mai 2012 pour la couverture des élections législatives », poursuit l’ancienne directrice de Nessma TV en Algérie. « Et encore, il s’agissait d’une accréditation nominative pour un seul de nos journalistes ». Qu’à cela ne tienne. L’équipe algérienne de Nessma TV, composée d’une vingtaine de salariés permanents, assure une couverture complète et inédite des élections avec des plateaux en direct, des reportages dans toutes les wilayas du territoire, etc. L’audience augmente et les annonceurs suivent. « Nous étions une entreprise rentable. On vivait bien », assure Linda Khalfa qui, par « secret professionnel », ne révélera pas le chiffre d’affaires mais précise : « On payait bien nos journalistes avec des salaires au minimum de 100.000 dinars/mois ». 

« Un coup marketing »

Puis, vint la Révolution tunisienne, en janvier 2011, qui a bouleversé l’équilibre de la chaîne. « Le politique a pris le dessus dans les émissions, notamment dans Ness Nessma, et le public algérien a commencé à décrocher », explique Linda Khalfa. La crise s’est poursuivie en Tunisie en 2012, réduisant les budgets. A cette situation déjà fragile, est venue s’ajouter l’arrivée de nouvelles chaînes privées algériennes telles que Ennahar TV, Echourouk TV et El Djazaïria, qui ont progressivement grignoté les parts d’audience et du marché publicitaire de Nessma. Contrainte par une diminution de ses recettes, la chaîne arrête plusieurs productions et l’audimat continue de s’éroder.

Pour tenter de préserver le public algérien, qui a démontré son attirance pour la chaîne privée tunisienne – classée systématiquement dans le top 3 ou le top 5 des chaînes télévisées les plus regardées en Algérie, selon l’ancienne directrice du bureau d’Alger – Nessma décide de lancer, en avril 2013, Nessma Verte, regroupant tous les programmes algériens tournés en Algérie. «Nous assurions la couverture de tous les festivals du pays, une revue de presse ainsi qu’un Jek El Marsoul 100 % algérien», raconte Lynda Khalfa. Mais l’audience algérienne ne suit pas Nessma Verte, diffusée sur un nouveau canal. «Malgré les campagnes de communication, les Algériens ont continué à regarder Nessma Rouge et n’ont pas basculé vers Nessma Verte». En juin 2013, Lynda Khalfa est remplacée par Ibtissem Hassi, d’origine marocaine, à la tête du bureau d’Alger. Une fin de parcours à la tête de Nessma TV Alger, au goût amer pour celle qui a construit et développé la chaine en Algérie, en y mettant «ses tripes». «On se demande si au fond, toute cette histoire de Grand Maghreb audiovisuel n’était pas un coup marketing», conclut notre interlocutrice. 

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