Le procès de Kamel Chikhi, plus connu sous le nom de Kamel El Bouchi, a une nouvelle fois été reporté ce dimanche 15 juin par la chambre criminelle du tribunal de Dar El Beïda, pour la prochaine session criminelle. Poursuivi dans le cadre de l’affaire des 701 kg de cocaïne saisis en 2018, ce nouvel ajournement s’inscrit dans une série de reports qui soulèvent de nombreuses interrogations quant à la stratégie adoptée par la défense.
Une audience écourtée
Même si l’audience n’a pas pu aller à son terme, le juge a tenu à appeler toutes les personnes concernées par l’affaire. Les accusés, les témoins et les parties civiles ont été invités à se présenter pour confirmer leur identité.
Un moment important a marqué cette brève séance : pour la première fois, le général Abdelghani Hamel, ancien directeur de la Sûreté nationale, s’est présenté devant le juge. Il est apparu visiblement affaibli, mais a répondu présent. Son fils, Amyar Hamel, également poursuivi, était lui aussi présent dans la salle. C’est dans ce contexte que la défense a demandé un nouveau report, une demande que le président du tribunal a acceptée.
Absence délibérée des avocats ?
Le procès s’est ouvert tôt le matin, avec l’absence remarquée de nombre d’avocats de la défense. Ces derniers ont invoqué la nécessité de disposer davantage de temps pour préparer leurs plaidoiries, un argument déjà avancé à plusieurs reprises lors des précédentes sessions. Cette absence répétée n’a pas manqué de susciter des interrogations sur la stratégie adoptée par la défense. Cherche-t-elle à gagner du temps? Ou alors pour s’éloigner de la pression médiatique pour mieux préparer sa stratégie?
Un procès qui s’enlise
Depuis la saisie spectaculaire de cocaïne au port d’Oran en mai 2018, le dossier Kamel El Bouchi s’est transformé en un véritable feuilleton judiciaire. Les reports se succèdent. Tour à tour, des raisons administratives, techniques ou procédurales sont invoquées. De quoi alimenter les supputations sur les conditions sous-jacentes d’un procès qui s’enlise.
L’affaire dépasse, en effet, largement le simple cadre du trafic de drogue. Kamel Chikhi, promoteur immobilier de renom, est également impliqué dans plusieurs dossiers connexes portant sur la corruption, le blanchiment d’argent et l’obtention frauduleuse de permis de construire. Ces éléments renforcent la complexité du dossier et expliquent en partie la pression qui pèse sur le procès.
La défense face à la pression médiatique
La stratégie adoptée jusqu’ici par la défense semble double : ralentir le déroulement du procès tout en limitant son exposition médiatique. Cette approche vise à faire retomber l’attention du public et à réduire l’impact des révélations qui pourraient surgir lors des audiences. Le report intervient ainsi à un moment crucial, alors que des témoignages clés devaient être entendus.
Un article publié en mai dernier par Maghreb Émergent, relate, à titre d’exemple, les pressions et menaces subies par le lanceur d’alerte,Nouredine Tounsi, ancien cadre au port d’Oran, qui affirme avoir alerté les autorités dès 2017 sur des irrégularités liées à l’importation de marchandises. Il dénonce des arrestations arbitraires, la privation de son passeport et une tentative d’assassinat contre son fils. Son témoignage, initialement attendu lors de cette session, pourrait fortement compromettre certains cercles influents, ce qui laisse supposer que le report du procès pourrait aussi servir à limiter la portée de ces révélations.
C’est dire tout l’enjeu qui entoure le procès.