Au moins neuf têtes de cochon ont été découvertes mardi 9 septembre, devant plusieurs mosquées d’Île-de-France, dont quatre à Paris et cinq en petite couronne. L’un des morceaux portait l’inscription « Macron » peinte en bleu. Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « provocation à la haine aggravée ». Ces actes islamophobes surviennent dans un contexte de forte instabilité politique, au lendemain de la chute du gouvernement de François Bayrou.
Une haine banalisée
La communauté musulmane a réagi avec gravité. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, a dénoncé « une nouvelle et triste étape dans la montée de la haine antimusulmane ». L’Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans (ADDAM) a regretté que « cela fait des mois qu’on alerte, et nous ne sommes pas entendus ». L’organisation SOS Racisme a mis en cause la banalisation des discours stigmatisants dans l’espace public qui « légitiment des passages à l’acte ».
Emmanuel Macron a exprimé son soutien à la communauté musulmane, dans une lettre adressée au recteur de la Grande Mosquée de Paris, principal canal de dialogue entre Paris et Alger. Bien que plusieurs responsables politiques, comme la maire de Paris Anne Hidalgo, aient condamné ces actes, leurs condamnations semblent ambivalentes, voire insincères pour ne pas dire hypocrites.
La mécanique du déni et la faillite politique
Ces condamnations interviennent en effet dans un climat où les propos de certains responsables politiques alimentent directement l’islamophobie, dont ils nient parfois jusqu’à l’existence. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, tout en condamnant les faits, a récemment affirmé « À bas le voile » et qualifié la militante Rima Hassan de « Hamas mafieuse ». Des déclarations qui, selon le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, « chauffent à blanc » les tensions. Le leader politique évoque une islamophobie « déchaînée », nourrie par un climat politique et médiatique particulièrement anxiogène.
La chaîne CNews est régulièrement pointée du doigt pour son traitement de l’islam, jugé anxiogène et stigmatisant. Plusieurs chroniqueurs y multiplient les amalgames entre islam, immigration et insécurité, contribuant à normaliser l’idée que l’islam serait incompatible avec les valeurs françaises. Ce discours rend les actes de haine « compréhensibles » aux yeux d’une frange de la population.
L’islamophobie, héritage de la mémoire coloniale
Au-delà de la conjoncture, ces actes s’inscrivent dans une histoire plus longue. L’islamophobie contemporaine en France est souvent traversée par une dimension anti-algérienne, héritée du passé colonial. Le rejet de l’islam s’accompagne d’une hostilité envers les populations d’origine maghrébine, perçues comme les héritières d’un empire perdu dont l’Algérie était le joyau.
Le voile, la langue arabe ou les prénoms musulmans deviennent des marqueurs d’altérité.
Cette nostalgie de l’empire perdu continue de se manifester dans le discours politique et public. La tête de cochon déposée devant une mosquée n’est pas seulement une insulte religieuse, mais un geste de domination symbolique, rappelant un passé où l’islam et les musulmans étaient subordonnés.
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, les actes antimusulmans ont augmenté de 75 % entre janvier et mai 2025, avec un triplement des atteintes aux personnes. La France compte entre cinq et six millions de musulmans, ce qui fait de l’islam la deuxième religion du pays. La stigmatisation incessante des musulmans a bien fait le lit d’une haine qui ne se cache plus.