La répression se durcit en Tunisie: le 31 octobre 2025, l’ancien juge administratif et avocat Ahmed Souab a été condamné à cinq ans de prison ferme, suivis de trois années de surveillance administrative, à l’issue d’un procès expédié en sept minutes. Arrêté en avril pour avoir dénoncé un système judiciaire où les magistrats travaillent « sous la menace d’un couteau », il est devenu un symbole de plus du durcissement autoritaire en Tunisie.
Amnesty International a dénoncé une « parodie de justice », soulignant que le cas d’Ahmed Souab illustre « de manière alarmante les pratiques autoritaires » visant à faire taire les voix critiques : avocats, journalistes et défenseurs des droits humains qui dénoncent les atteintes à l’indépendance de la justice et les excès du pouvoir exécutif.
Le même jour, la répression s’est élargie : le média d’investigation indépendant Nawaat a été suspendu pour un mois, comme plusieurs ONG emblématiques. L’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) ont subi le même sort, sous prétexte d’irrégularités administratives.
Ce durcissement intervient dans un climat social tendu, marqué par des manifestations à Gabès contre la pollution industrielle. Les habitants, victimes d’intoxications liées aux émissions du Groupe chimique tunisien, ont ramené la contestation dans la rue.
Le signal venu de Gabès, et le soutien affiché des associations aux populations locales, semblent avoir précipité la riposte du pouvoir. Ces ONG, pourtant légales, sont accusées — selon le refrain classique des régimes autoritaires — de recevoir des financements étrangers.
Un pays “sous emprise”
La pression sur les médias et les acteurs civiques apparaît désormais comme une tentative de neutraliser les relais de la contestation sociale et d’empêcher l’émergence d’un front citoyen unifié. Depuis son coup de force du 25 juillet 2021, lors duquel il s’est arrogé les pleins pouvoirs, le président Kaïs Saïed mène une entreprise de démantèlement systématique des avancées démocratiques en Tunisie.
Dans une tribune publiée en mai dernier par Le Monde, Kamel Jendoubi, ancien ministre des Droits de l’homme, dresse un constat accablant : « La Tunisie n’est pas simplement en crise. Elle est sous emprise. Depuis le 25 juillet 2021, Kaïs Saïed a installé un régime personnel, brutal, délirant, qui écrase tout sur son passage : les institutions, la justice, les libertés, les consciences. Il n’a ni programme, ni vision, ni boussole – rien qu’une haine froide, nourrie de vengeance, brandie comme unique projet politique. ».





