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Oran : 15 maires sur 26 en prison, quand les urnes fabriquent la corruption

Par Said Boudour 23 septembre 2025
À Oran, symbole d’une gestion locale en faillite, 15 maires sur 26 ont été rattrapés par la justice pour corruption.

Oran ne fait plus dans la dentelle. La capitale de l’Ouest algérien s’est muée en laboratoire grandeur nature de la corruption communale. Sur vingt-six maires, quinze ont été incarcérés ces dernières années, dont sept restent actuellement en détention provisoire ou purgent des peines de prison. Un ratio qui transforme l’exercice démocratique local en parcours du combattant judiciaire.

Avant-hier encore, le maire d’El Karma rejoignait cette liste noire, placé en détention provisoire avec deux autres personnes dans le cadre d’une enquête visant douze suspects.

Une chronologie implacable de la déchéance

Le phénomène s’est installé durablement depuis juin 2020, quand l’ancien maire de Sidi Chahmi, dépendant de la daïra d’Es-Senia, était placé en détention provisoire pour enrichissement illicite, conflit d’intérêts et passation de marchés illégaux. Un cas qui préfigurait une série noire sans précédent.

En mai 2023, le secrétaire général en exercice et ex-maire de Hassi Bounif écopait de deux ans de prison ferme pour détournement de fonds publics et falsification de documents administratifs. Trois mois plus tard, en septembre 2023, le maire de Bir El Djir était condamné à deux ans de prison avec sursis, tandis que l’ex-maire d’Es-Senia bénéficiait d’une remise en liberté après appel.

Ces premières affaires n’étaient que les prémices d’un effondrement généralisé qui allait s’accélérer dramatiquement.

L’année 2024, tournant vers l’abîme

Les mois suivants ont vu la liste s’allonger de manière inexorable. En juillet 2024, le maire de Bousfer, relevant de la daïra d’Aïn El Turck, était écroué. En octobre, celui d’Arzew était poursuivi pour mauvaise gestion et octroi d’avantages indus.

Le 25 novembre 2024 marque un tournant dramatique : le maire en exercice d’Es-Senia est placé en détention provisoire avec trois entrepreneurs, dans une affaire de marchés truqués et de dilapidation de deniers publics. Quelques jours plus tard, dans un scénario kafkaïen, son successeur connaît le même sort, illustrant l’ampleur de la gangrène institutionnelle.

Au même moment, l’ancien maire de Mers El-Kébir, S. Rahmani, était incarcéré pour falsification de documents relatifs à une voiture Mercedes, ajoutant une dimension presque surréaliste à cette accumulation de scandales.

2025 : l’engrenage implacable continue

L’année en cours confirme que le mal est profond. En août 2025, le maire d’Oued Tlelat a rejoint cette sinistre liste, soupçonné d’avoir validé un contrat incomplet de 2,5 millions de dinars.

Quelques semaines plus tard, en septembre, le maire d’El Karma était condamné à huit ans de prison ferme aux côtés de sa seconde épouse, pour détournement et dilapidation de plus de 450 millions de dinars. Un montant qui illustre l’ampleur des sommes détournées et la sophistication des mécanismes de corruption.

Hier encore, dans une répétition qui confine à l’absurde, son successeur a été à son tour placé en détention avec le président de la commission des marchés, tandis que l’ancien secrétaire général de la commune était mis sous contrôle judiciaire. Une succession qui démontre que le problème dépasse largement les individualités pour toucher au système lui-même.

Au-delà des individualités, ces affaires révèlent une corruption structurelle qui paralyse l’action publique locale. Les communes, théoriquement au service de la proximité citoyenne, se muent en instruments de prédation financière. Le bilan matériel est accablant : projets suspendus, caisses municipales amputées de plus de 1,54 milliard de dinars, et populations privées d’infrastructures essentielles.

La loi 06/01, dernier filet de sécurité pour l’État local

Face à cette dérive systémique, l’application de la loi 06/01 relative à la prévention et la lutte contre la corruption constitue l’ultime recours. Les enquêtes se multiplient, les décisions judiciaires se durcissent, témoignant d’une volonté de restaurer l’intégrité dans la gestion des affaires communales.

La wilaya d’Oran cristallise ainsi les dysfonctionnements d’un système électoral et administratif local qui a longtemps fermé les yeux sur ces pratiques. Seule une justice ferme et continue pourra espérer reconquérir la confiance citoyenne et réhabiliter des institutions aujourd’hui discréditées.

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