Au cœur d’Oran, entre les quartiers de Es-Senia et Bir El Djir, se poursuit une longue bataille entre les habitants attachés à leur droit aux espaces verts et aux équipements publics, et des promoteurs immobiliers qui poursuivent leurs projets en dépassant les plans directeurs et les lois.
Les documents que nous avons obtenus des archives de l’Association du quartier Si Abdelrazak, ainsi que des correspondances officielles cachetées de la Direction des Domaines et de la Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture,
révèlent que certaines terres classées comme équipements publics ou espaces verts appartiennent toujours juridiquement à l’État. Malgré cela, le terrain connaît des travaux de nivellement, des clôtures et des projets de construction.
Les espaces verts qui disparaissent

La première affaire prise en charge par l’association concerne un terrain classé dans le plan directeur comme équipement vert (« Espace Vert Existant »).
Un document de la Direction des Domaines, daté du 17 juin 2020 (dossier n° 1629/A M), confirme que le terrain appartient au domaine de l’État et n’a fait l’objet d’aucun transfert ni concession.
Cela est également confirmé par la réponse de la Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture en date du 30 septembre 2019.
Mais sur le terrain, des préparatifs de construction sont apparus. L’association a rapidement adressé plusieurs plaintes,
dont une correspondance du 17 novembre 2021 au wali et au ministre des Finances, demandant l’arrêt immédiat des travaux,
en s’appuyant sur la loi et les plans officiels.
Une mise en demeure (DOC N°16) a également été envoyée par l’Assemblée populaire communale à la police et aux services de l’urbanisme pour arrêter l’atteinte, mais les travaux ont repris de façon intermittente.
Une promotion a même bénéficié du raccordement à l’électricité, alors qu’il s’agit d’un espace vert traversé par une conduite de gaz du quartier.
Vente d’un équipement électrique 11 fois
La deuxième affaire soulevée par l’association concerne un terrain destiné, dans le plan initial, à une unité de production et de distribution d’électricité – faisant partie du même espace vert – qui a été vendu onze fois entre différentes parties.

Les documents de l’association retracent le parcours étrange de ces ventes : de B.M à H.T, puis K.A, T.S, B.N, A.H, J.A, M.Kh, W.H, F.S, Y.A, pour revenir à J.A.
Il n’existe aucune trace administrative d’un changement de classification du terrain, ce qui rend toutes ces transactions illégales.

Mais l’existence d’actes notariés pour ces ventes reflète l’ampleur du dysfonctionnement administratif et de la négligence dans la protection des biens publics.
La voix de l’association et des habitants… et le silence des responsables
L’Association du quartier Si Abdelrazak a joué le rôle de moteur principal : elle a collecté les documents,
surveillé le terrain et déposé des plaintes à tous les niveaux : du wali au ministère des Finances, en passant par la Direction de l’Urbanisme et des Domaines.

Nos tentatives de contacter certains promoteurs immobiliers et anciens responsables cités dans les documents ont échoué.
Nous n’avons reçu aucune réponse officielle, et certains ont refusé de commenter, ce qui a renforcé les soupçons d’une protection tacite de ces dépassements.
Les habitants considèrent cette bataille comme une défense de leur droit à l’environnement et à leurs équipements publics, et la décrivent comme un affrontement inégal avec une « mafia immobilière » qui sait parfaitement naviguer entre les failles juridiques.
Reportage : Saïd Boudour