La wilaya d’Oran, moteur économique vital de l’Algérie, vit au rythme d’un affrontement quotidien entre les autorités publiques et ce que la presse et les acteurs locaux nomment la « mafia du foncier ».
Ce réseau tentaculaire, à la fois économique, politique et social, grignote lentement mais sûrement les terres agricoles et les espaces maritimes au profit d’intérêts privés opaques.
Ce réseau tentaculaire, à la fois économique, politique et social, grignote lentement mais sûrement les terres agricoles et les espaces maritimes au profit d’intérêts privés opaques.
La dernière opération majeure en date, avec la récupération de 148 hectares dédiés à l’aquaculture grâce à l’annulation de huit concessions frauduleuses, illustre une double réalité : la gravité du pillage foncier et la volonté ferme de l’État de reprendre le contrôle de ses ressources précieuses.
Le 11 août 2025 marque ainsi un tournant. La wilaya d’Oran a annoncé la saisie de 148 hectares, dont 145 hectares d’espaces maritimes et 3 hectares terrestres, confisqués suite à la révocation de concessions attribuées à des structures qui n’avaient pas respecté leurs engagements. Cette action s’inscrit dans une vaste politique d’assainissement du registre des projets investissant dans la pêche et l’aquaculture, fondamentaux pour l’économie régionale.
Menouer Meghni Sandid, directeur local de la Pêche et de l’Aquaculture, rappelle que cette mesure n’est pas un fait isolé. En 2024 déjà, 125 hectares avaient été récupérés dans un contexte similaire.
En deux ans, ce sont ainsi plus de 273 hectares qui ont été arrachés à des « investisseurs fantômes » ou mal intentionnés, condamnant à l’oubli un foncier public stratégique.
Pour l’avenir, ces terres confiées à l’administration font désormais l’objet d’analyses rigoureuses afin de sélectionner uniquement des projets solides, tant financièrement qu’opérationnellement, capables de relancer un secteur dynamique mais freiné jusque-là par la spéculation et le gel abusif des terrains.
Le fléau de la mafia du foncier : un cancer qui ronge Oran
Pour saisir l’ampleur du défi, il faut remonter à la racine du mal. La « mafia du foncier » n’est plus un mythe mais une réalité dénoncée par les médias, les pouvoirs publics et la société civile. Elle désigne un système mafieux qui détourne, manipule et vend illégalement des terres publiques et agricoles.
Oran en est l’exemple parfait. Près de 70 % des exploitations agricoles ont été dévoyées, transformées sous des couvertures opaques en parcelles morcelées, loties, voire bâties illégalement. Des quartiers entiers, tels que Birel-Djir, Hassi Bounif, Sidi Chahmi ou Boutlélis, sont devenus symboles de ce pillage foncier. Derrière des murs souvent élevés, se cachent des terres déracinées, loties ou vendues, exposant au grand jour les mécanismes précis d’une spéculation débridée, à la fois économique et sociale.
Les méthodes sont diverses et violentes : arrachage d’arbres fruitiers centenaires, constructions clandestines, régularisations administratives post-factum ou complices. Une véritable impunité règne, alimentée par des réseaux locaux fortement ancrés, des travers réglementaires et des failles dans la gouvernance foncière. Ce vol méthodique ne détruit pas seulement les moyens de vie des agriculteurs, il met à rude épreuve l’équilibre écologique et urbanistique déjà fragile d’Oran.
Le combat contre ce pillage foncier s’annonce donc long et complexe. Tant que la lumière ne sera pas faite sur les complicités et failles systémiques, et tant qu’une volonté politique forte de transparence et de sanction ne s’imposera pas, ce vol silencieux des terres de l’État menacera durablement le tissu social et économique.
La riposte gouvernementale : assainissement et contrôle renforcé
Conscients de l’enjeu majeur, les ministères algériens de l’Agriculture et de l’Industrie ont lancé depuis plusieurs années une stratégie ambitieuse pour restaurer le contrôle sur le foncier. Oran est au cœur de ce dispositif.
Le plan repose sur plusieurs piliers. D’abord, l’assainissement par la création de commissions locales chargées de recenser et de récupérer les terrains agricoles non exploités, ainsi que d’annuler les concessions illégitimes. Abdelkader Bouazgui, ministre de l’Agriculture, n’a pas mâché ses mots : les terres agricoles inexploitables ou mal utilisées seront récupérées et attribuées à des investisseurs sérieux. Un message d’autant plus fort dans une région comme Oran.
Parallèlement, la lutte vise aussi les terres industrielles, avec la récupération récente de plus de 2 300 hectares initialement destinés à des zones industrielles mais détournés ou laissés en l’état. Ce plan national de régularisation et de valorisation foncière couvre désormais plusieurs centaines de milliers d’hectares à l’échelle nationale, témoignant d’une réelle volonté de casser les logiques mafieuses.
Oran et son avenir : entre héritage fragile et enjeux vitaux
La récupération récente de ces 148 hectares n’est pas seulement un coup dans la lutte contre la mafia du foncier. C’est un signal puissant. Il révèle les dégâts profonds d’un système prédateur, mais aussi la détermination des pouvoirs publics à restaurer l’ordre et à redonner vie aux terres.
Ce combat dépasse le cadre économique ; il s’inscrit au cœur des enjeux sociaux, environnementaux et humains d’Oran. Protéger les terres, c’est préserver le mode de vie agricole, garantir des emplois, défendre la cohésion sociale et préparer un développement urbain équilibré.