L’Office national des statistiques, l’ONS, a publié cette semaine une enquête sur l’emploi en date d’octobre 2024. Ceci est, en soi, un évènement. Les enquêtes sur l’emploi avaient disparu du catalogue des publications de l’ONS depuis 2019. La faute en 2020 et en 2021 à la pandémie du Covid. La suite est moins avouable.
Rester 5 ans sans connaissance de l’évolution du marché de l’emploi est impensable dans une économie à plus de 250 milliards de dollars de PIB. L’emploi est le premier indicateur de conjoncture. Le chiffre de son évolution est attendu et scruté tous les mois. Il décide des politiques monétaires des banques centrales, des variations sur la dette souveraine et des cours boursiers par incidence.
En Algérie, il serait devenu un angle mort intégral ces dernières années sans l’allocation chômage, qui a permis d’avoir une idée du volant d’inactifs dans le pays hors enquête ONS. Il existe d’ailleurs un hiatus entre le chiffre en valeur absolue de chômeurs que propose l’ONS et celui des émergeants à l’allocation chômage.1 759 000 contre 2 millions.
Le statut de chômeur selon les normes du BIT utilisées dans les enquêtes de l’ONS élimine une partie de la population inactive si elle n’est pas en recherche active d’emploi. Le halo du chômage, concept qui englobe plus largement la population inactive et en âge de travailler recoupe, lui, le chiffre de l’allocation chômage. Il faut donc se féliciter du retour de la variable emploi dans les publications de l’ONS et espérer très sérieusement qu’un tel trou noir inédit de 5 années sans informations sur un indicateur clé de la prospective économique demeure unique dans les annales de l’office et de sa tutelle.
Que nous dit de nouveau donc l’enquête emploi de l’ONS d’octobre 2024 ? Que la courbe de l’emploi ne suit pas celle de la croissance moyenne du pays depuis la sortie de la trappe du Covid. A 12,7% le taux de chômage demeure important dans une conjoncture économique qui est supposée être repartie avec une croissance vigoureuse en 2023 ( 4,1% ) et en 2024 ( 3,8%).
L’absence de chiffres sur l’emploi de l’ONS en 2022 ne nous permet pas d’évaluer l’impact réel de la reprise de l’activité post-covid sur le stock de sur-chômage lié à la pandémie. La tendance laisse toutefois deviner que cet impact a été faible. La croissance de 2023 et de 2024 a peu absorbé de chômeurs. L’explication d’une telle contre-performance reste à rechercher. Les secteurs qui emploient le plus demeurent les mêmes hors administration publique et santé : le commerce, la construction. L’emploi manufacturier, désigné comme objectif de la réindustrialisation du pays, reste décevant.
Pour bien situer la performance mitigé de l’emploi en Algérie sur les quinze dernières années -disons depuis la crise des surprimes en 2008-2009, ChatGpt 4 propose ce comparatif avec quatre pays comparables par la taille de population ( Pologne, Maroc) ou par le modèle économique rentier énergétique (Nigéria , Irak). L’Algérie évite l’effondrement de l’emploi que connait le Nigéria depuis 2015 (dernier contre-choc pétrolier). Elle se situe par contre loin du modele de décrue historique du chômage en Pologne passé sous les 5% en 2024 . Il était supérieur à 10% en 2009.
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Des autres enseignements de l’enquête, aucun n’est contre-intuitif. Le chômage des jeunes est plus durablement ample. Il est de 29,3% chez les 16-24 ans. Le niveau d’éducation est fortement corrélé au niveau de l’éducation. Dans la population au chômage, 42% n’ont aucun diplôme. Le salariat permanent a augmenté au dépend du salariat occasionnel. Et, c’est un peu plus inattendu, l’auto-emploi (employeurs et indépendants) ne dépasse toujours pas la barre des 30% de l’ensemble des formes de l’emploi.
Au sujet des caps à passer, l’enquête d’octobre 2024 est la première qui constate qu’il existe plus de 3 millions de femmes au travail en Algérie. Une progression qui résorbe peu le gap entre l’emploi masculin et l’emploi féminin. Le second ne représente que 22% de la population active. De même, les femmes subissent le chômage plus que les hommes (25% contre 9%).
La surreprésentation du genre féminin à l’université n’a pas encore produit de révolution sur le marché du travail. La seule filière qui emploie plus d’hommes que de femmes est la santé. Le diagramme en fin de chronique montre les écarts dans l’emploi entre hommes et femmes en Algérie par filière d’activité. Le chemin de la modernité économique et sociale est encore long.
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