La signature de huit nouveaux accords de partenariat entre l’Algérie et la Chine lors du Forum d’affaires du 15 avril à Alger renforce une coopération économique bilatérale déjà solide, dont la valeur des échanges est passée de 10 milliards de dollars en 2023 à 12,5 milliards de dollars en 2024. Au-delà des annonces officielles, que contiennent réellement ces projets et quelles sont leurs implications concrètes pour l’économie nationale?
Parmi ces accords stratégiques, celui conclu entre la SNTF et les entreprises chinoises CRRC ZELEC et GENERETEC CNTIC ne se limite pas à une simple collaboration commerciale. Il s’agit de la création d’un complexe industriel intégré qui couvrira l’ensemble de la chaîne de valeur ferroviaire : conception, ingénierie et production d’équipements et de matériels roulants, ainsi que de leurs pièces détachées. Ce partenariat vise à transférer progressivement un savoir-faire technologique de pointe à l’Algérie. Concrètement, le pays pourrait passer du statut d’importateur de matériel ferroviaire à celui de fabricant et, à terme, d’exportateur régional, particulièrement vers les marchés africains.
Automobile : deux usines pour près de 300 000 véhicules par an
Des rails aux routes, la transition est naturelle. Dans le secteur automobile, les accords signés prévoient la création d’une industrie nationale de production plutôt que de simples unités d’assemblage. Le partenariat Fondal-Jetour prévoit un investissement de 105 millions de dollars sur cinq ans pour une usine capable de produire 270 000 véhicules annuels. Cette capacité de production dépasse les besoins du marché local, suggérant une orientation vers l’exportation.
Dans la même veine, l’accord IRIS-CHERY s’inscrit dans cette dynamique de production locale. L’accord vise à dépasser le modèle d’assemblage CKD/SKD pour développer une fabrication de composants sur le territoire national, augmentant ainsi la valeur ajoutée locale.
Agriculture et élevage : sécurité alimentaire en ligne de mire
Si l’industrie manufacturière représente un volet important, le secteur agricole fait également partie des priorités. Le projet agricole porté par GLOBAL AGRIFOOD dans les wilayas du Sud cible spécifiquement les “cultures stratégiques”. Dans le contexte algérien, cela signifie principalement céréales, légumineuses et oléagineux – des productions essentielles pour réduire la facture d’importation alimentaire.
Toujours dans cette optique d’autonomie alimentaire, le projet d’élevage avicole entre AGROLOG et le partenaire chinois CRCC vient compléter le tableau. L’accord prévoit la modernisation de toute la filière avec des technologies d’élevage avancées et des méthodes de production efficientes. Ce projet pourrait améliorer la productivité d’un secteur qui présente actuellement des défis en termes d’efficience.
Logistique et industrie : des maillons essentiels
Produire est une chose, transporter en est une autre. C’est là qu’intervient l’accord pour la fabrication de conteneurs maritimes par Madar Marine. Derrière cette initiative se trouve un enjeu logistique important : la réduction des coûts dans un pays où une grande partie des marchandises transite par les ports. En fabriquant localement ces conteneurs essentiels au commerce international, l’Algérie pourrait réduire sa dépendance aux importations tout en développant une expertise technique dans ce domaine.
Le transport n’est qu’un aspect de la chaîne de valeur. Pour développer l’industrialisation, le partenariat MADAR-CCECC prévoit la création d’une entreprise d’ingénierie industrielle. L’objectif est de concevoir, d’innover et de développer des solutions adaptées au contexte local. Ce transfert de compétences techniques pourrait contribuer significativement au développement industriel du pays.
Électroménager et deux-roues
Des infrastructures aux biens de consommation, la stratégie de diversification se poursuit. L’accord CONDOR-HISENSE porte sur l’amélioration de la production de climatiseurs et machines à laver. En s’associant avec un acteur international de l’électroménager, le fabricant algérien cherche à améliorer la qualité de ses produits. Cette montée en gamme pourrait répondre aux attentes des consommateurs algériens en matière de qualité des produits électroménagers.
Dans un autre secteur, le partenariat Sigma-QJ MOTOR vise à développer la production locale de motos de moyenne et haute cylindrée. Ce segment répond à une demande croissante, notamment dans les zones urbaines où les solutions de mobilité alternatives sont recherchées face aux problèmes de circulation.
Reste maintenant à transformer ces promesses en réalités concrètes. Car le véritable défi n’est pas dans la signature d’accords, aussi ambitieux soient-ils, mais dans leur mise en œuvre effective. L’histoire économique algérienne regorge de projets annoncés en grande pompe puis enlisés dans les sables de la bureaucratie ou des difficultés de financement. L’intégration locale, souvent mentionnée comme objectif, sera le véritable baromètre de réussite de cette nouvelle phase de coopération algéro-chinoise.