Des files d’attente s’allongent devant les stations-service russes en cette fin de mois d’août. Les automobilistes, parfois contraints d’attendre plusieurs heures, cherchent à remplir leurs réservoirs dans un contexte de pénurie d’essence. En cause : les frappes ukrainiennes qui ont visé cet été plusieurs raffineries et terminaux pétroliers. Près de 17 % des capacités de raffinage du pays sont à l’arrêt, soit plus d’un million de barils de produits raffinés en moins chaque jour pour le marché intérieur. Moscou tente de réorienter ses exportations et de contenir la crise, mais une question s’impose déjà : quelles répercussions sur les prix du brut à l’échelle mondiale si la situation perdure ?
Un surplus de brut russe sur le marché
La mécanique est simple : moins de raffinage en Russie, c’est plus de barils de brut disponibles à l’exportation. Les ports de la Baltique et de la mer Noire enregistrent déjà une hausse des chargements.
À court terme, cette offre supplémentaire exerce une pression baissière sur les prix. L’Urals, la référence russe, se négocie avec une décote accrue pour trouver preneur. Le Brent et le WTI ressentent eux aussi cette pression, renforcée par le retour progressif de volumes de l’OPEP+, engagé dans le démantèlement de ses coupes de production.
La tension sur les produits raffinés soutient indirectement la demande de brut
Mais l’équation est plus subtile. La Russie, privée d’une partie de son raffinage, peine à alimenter son marché en essence et diesel. Moscou envisage de limiter ses exportations de carburants pour privilégier sa consommation intérieure, ce qui tend les prix des produits raffinés sur les marchés mondiaux.
Cette flambée des marges de raffinage encourage les raffineurs d’Europe, du Moyen‑Orient et d’Asie à accroître leurs achats de brut pour profiter de spreads élevés. Résultat paradoxal : alors que la Russie exporte davantage de brut, la demande mondiale reste soutenue ailleurs. Dans ce cas, le Brent ne s’effondrerait pas mais évoluerait de manière latérale, avec une prime accordée aux qualités riches en distillats.
Trois trajectoires possibles pour les prochaines semaines
Les perspectives divergent selon l’évolution de la situation sur le terrain. Si les réparations des installations se font rapidement, la demande intérieure de brut rebondira, réduira l’excédent exportable et fera monter les prix ; en revanche, si les frappes se poursuivent ou se renforcent, les exportations resteront à haut niveau, accentuant la pression baissière sur le marché mondial malgré la solidité de la demande ; et si des blocages logistiques venaient à toucher les ports ou pipelines, Moscou pourrait être empêché d’écouler son surplus, ce qui entraînerait une contraction de l’offre mondiale et une envolée des prix du brut.
Une équation fragile
Le marché pétrolier reste suspendu à une double dynamique : un surplus de brut qui pèse sur les cours, et une tension sur les produits raffinés qui alimente la demande. Dans ce contexte, l’OPEP+ joue un rôle clé. En maintenant son relèvement de production, elle accentue la pression baissière. Mais un ralentissement de ce processus renforcerait les forces haussières.
À court terme, les acteurs scruteront trois signaux : les programmes de chargement des ports russes, l’évolution des marges de raffinage (essence et diesel) et le calendrier de remise en service des raffineries endommagées. Autant de variables qui décideront de l’orientation des cours dans les prochaines semaines.
Pour rappel, le volume moyen des exportations de brut russe au premier semestre 2025 s’est établi à environ 4,3 millions de barils par jour.