PLF 2026 : un budget de 8 000 milliards devant le parlement

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PLF 2026 : un budget de 8 000 milliards examiné ce dimanche, sans rupture avec le modèle pétrolier

Par Yasser K
9 novembre 2025
L’Assemblée populaire nationale examine ce dimanche le projet de loi de finances 2026. (DR)

Le gouvernement promet de tourner la page du pétrole avec un budget de 8 000 milliards de dinars. Mais comment diversifier l’économie quand 61% du budget part en salaires et transferts sociaux, et que la dette menace d’atteindre 100% du PIB d’ici 2030 ?

Les députés s’apprêtent à examiner, à partir de ce dimanche, le projet de loi de finances (PLF) 2026, un texte présenté par le gouvernement comme une étape décisive dans la transformation économique du pays. Avec des recettes budgétaires prévues à plus de 8 000 milliards de dinars, ce budget affiche des ambitions élevées. Mais les économistes y voient avant tout la reconduction des mêmes équilibres macroéconomiques, sans inflexion structurelle.

Le projet table en effet sur une croissance du PIB réel de 4,1% en 2026, avec une progression attendue à 4,4% en 2027 et 4,5% en 2028. Cette dynamique serait principalement tirée par les secteurs non pétroliers, notamment l’agriculture et l’industrie. Un discours déjà entendu lors des précédents exercices budgétaires, alors que la réalité économique reste largement tributaire des cours du pétrole. Le cadre macroéconomique repose sur un prix de référence du baril fixé à 60 dollars sur la période 2026-2028, alors que les prix de marché sont anticipés autour de 70 dollars. Dans un entretien accordé à Maghreb Émergent il y a quelques semaines, l’économiste Belkacem Boukherouf estimait que “nous continuons à bâtir nos lois de finances sur le prix du baril de pétrole, comme si les marchés mondiaux nous appartenaient. Cette logique empêche toute transformation du modèle économique”.

Une réforme fiscale sélective mais timide

Le texte introduit néanmoins plusieurs ajustements fiscaux destinés à soutenir certains secteurs jugés stratégiques. La mesure la plus emblématique concerne l’industrie solaire : les intrants nécessaires à la fabrication de panneaux photovoltaïques bénéficieront d’un régime douanier préférentiel. L’État parie ainsi sur un effet d’entraînement industriel plutôt que sur un rendement fiscal immédiat.

La filière aquacole bénéficie également d’allégements pour les matières premières destinées à la fabrication d’aliments pour poissons d’élevage, une mesure inscrite dans la démarche de sécurité alimentaire. Autre disposition sociale, le texte prévoit un statut fiscal pour les micro-importateurs (commerce de “cabas”), avec un régime simplifié : droits de douane réduits et imposition forfaitaire allégée. L’État cherche ainsi à intégrer une économie informelle devenue massive.

Mais ces mesures, aussi positives soient-elles, masquent difficilement les contradictions du modèle. Face à la tension persistante sur les prix des viandes rouges, le gouvernement reconduit le régime préférentiel instauré en 2024 sur les importations de cheptels bovins et ovins. En reconduisant les allégements sur les viandes importées, l’État admet implicitement la faiblesse structurelle du tissu productif agricole.

Le volet financier du PLF 2026 adapte également le dispositif introduit en 2025 sur les Sukuk souverains, ces obligations conformes à la charia. Le texte encourage la souscription des investisseurs institutionnels (banques islamiques, assurances Takaful) afin de mobiliser l’épargne domestique pour financer les infrastructures publiques sans recourir à l’endettement externe, souligne l’exposé des motifs.

Une masse salariale et des transferts sociaux qui étouffent le budget

Le véritable problème du PLF 2026 réside dans sa structure de dépenses. Selon Belkacem Boukherouf, “quand 61% du budget national est absorbé par les salaires et les transferts sociaux, cela ne laisse aucune marge pour l’investissement productif”. La masse salariale représente 33% du budget de l’État, les transferts sociaux 28%. “Le pays fonctionne en pilotage automatique, sans réformes structurelles ni innovations budgétaires”, assène l’économiste.

Deux facteurs alimentent cette rigidité budgétaire. D’abord, une fonction publique hypertrophiée : “des millions d’emplois sans réelle valeur ajoutée pèsent lourdement sur les finances. Le pays paie des salaires sans retour productif”, explique Boukherouf. Ensuite, une allocation chômage mal encadrée, qui profite à plus de deux millions de bénéficiaires. “Le chiffre augmente chaque année, et il est de notoriété publique qu’une partie de ces bénéficiaires travaillent au noir. C’est une subvention de l’informel par l’État”, poursuit l’économiste. “Cette dérive est insoutenable sur le long terme, surtout dans un contexte de croissance molle et de recettes pétrolières incertaines.”

Le gouvernement propose un gel des recrutements dans la fonction publique, à l’exception des secteurs de la santé, de l’éducation et de la sécurité, pour contenir une masse salariale qui absorbe près de 40% du budget de fonctionnement. Mais la mesure s’annonce difficile à faire passer au Parlement, sachant que la fonction publique reste le principal pourvoyeur d’emplois dans le pays.

Une trajectoire d’indemnité inquiétante

Au-delà des mesures fiscales et des dépenses courantes, c’est la trajectoire d’endettement qui inquiète le plus les observateurs. “Le projet actuel table sur un déficit qui porterait la dette à 23% du PIB, avec une projection qui pourrait grimper à 100% d’ici quatre ans. La Banque mondiale a déjà alerté Alger à ce sujet”, avertit Boukherouf.

“Le surendettement structurel est une bombe à retardement. Il ne s’agit pas simplement de chiffres, mais d’une perte de souveraineté économique. Si rien ne change, d’ici 2029 ou 2030, nous serons littéralement submergés par le crédit. Nous n’emprunterons plus pour investir, mais pour rembourser. Et c’est là que la spirale devient infernale”, alerte l’économiste.

Boukherouf dénonce notamment les “budgets non affectés” inscrits au ministère des Finances, qu’il qualifie d’ “artifice comptable pour masquer un déficit chronique”. “Ces budgets permettent de colmater les trous chaque année, sans jamais régler le problème de fond. Le déficit est devenu structurel, et donc dangereux.”

Des mesures conteroversées qui s’annoncent difficiles à faire passer

Le gouvernement met sur la table plusieurs mesures controversées pour tenter de dégager de nouvelles recettes. Une hausse de la fiscalité sur les revenus fonciers et locatifs, censée rapporter près de 95 milliards de dinars, constitue un défi de taille pour l’administration fiscale et les entreprises. Cette transition vers une fiscalité plus diversifiée apparaît indispensable pour garantir la soutenabilité des finances publiques, mais sa mise en œuvre risque de toucher de nombreux propriétaires qui complètent leurs revenus avec la location.

Le texte prévoit aussi d’instaurer une taxe exceptionnelle sur les produits importés non essentiels, censée rapporter 150 milliards de dinars et encourager la production locale. Le gouvernement argue que cette taxe doit freiner l’hémorragie des devises et protéger l’industrie nationale, mais l’idée divise déjà avant même le début des débats, certains craignant une répercussion immédiate sur les prix à la consommation.

Le dossier le plus explosif concerne les subventions. Le gouvernement propose de réduire progressivement les subventions sur l’électricité et le gaz pour les gros consommateurs, une mesure censée rapporter 200 milliards de dinars en diminuant de 30% les subventions pour les ménages dont la consommation dépasse certains seuils. Cette proposition risque d’être massivement rejetée, sachant que les Algériens considèrent les subventions comme un acquis social intouchable et que toute tentative de réforme dans ce domaine a historiquement provoqué de fortes tensions sociales.

Face à ces résistances prévisibles, Belkacem Boukherouf plaide pour “une véritable rupture avec la logique de reconduction”. Selon lui, trois réformes s’imposent : “Réformer la fonction publique et la masse salariale. Réaffecter les ressources humaines vers des secteurs productifs, et mettre fin aux emplois budgétivores sans impact économique. Repenser l’allocation chômage. Elle ne doit pas devenir un revenu permanent. Il faut la conditionner à la formation et à la recherche active d’emploi, tout en renforçant les contrôles pour éliminer les abus. Innover financièrement et fiscalement. Diversifier les recettes publiques, moderniser la fiscalité locale, et attirer les capitaux privés au lieu de se reposer exclusivement sur les hydrocarbures.”

“Sans une révolution budgétaire, l’Algérie risque d’entrer dans une décennie de stagnation. Le pays ne manque ni de compétences, ni de ressources, mais de volonté de rupture. Tant que la reconduction remplacera la réforme, la dette remplacera l’espoir”, conclut l’économiste.

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