Longtemps restés théoriques, les sukuk souverains trouvent enfin un cadre juridique opérationnel. Le PLF 2026 autorise leur adossement au domaine privé de l’État, ouvrant la voie à une nouvelle forme de financement public inspirée de la finance islamique.
Jusqu’ici, la loi n’autorisait l’émission de sukuk souverains qu’à partir d’actifs relevant du domaine public de l’État, inaliénables par nature et donc difficilement mobilisables. Le projet de loi de finances 2026 met fin à cette contrainte. Le texte permet désormais au Trésor public d’adosser ces titres islamiques à des biens du domaine privé de l’État et à des opérations d’investissement public, élargissant ainsi la base d’actifs susceptibles de servir de garantie.
Cette évolution vise à rendre effectif un instrument resté jusque-là théorique. Les sukuk, créés par la loi 19-13 sur les hydrocarbures et la loi de finances 2020, n’avaient jamais été émis, faute d’assise juridique claire. En ouvrant la possibilité d’utiliser le domaine privé – terrains, immeubles, participations publiques ou infrastructures productives-le PLF 2026 permet au Trésor d’accéder à une source alternative de financement, conforme à la charia et distincte de la dette classique.
Les sukuk se présentent comme des instruments financiers adossés à des actifs réels : les investisseurs perçoivent une part des revenus générés par l’actif plutôt qu’un intérêt. Dans le cas algérien, ces titres pourront désormais financer directement des projets d’investissement publics, en associant l’épargne nationale à la croissance productive.
Un cadre fiscal et financier conçu pour attirer les investisseurs
Le rapport de présentation du PLF 2026, qui regroupe ces dispositions dans ses articles 101, 145, 147, 149 et 150, instaure également un régime fiscal incitatif. Les produits et plus-values tirés des sukuk souverains bénéficieront d’une exonération d’IRG et d’IBS pendant au moins cinq ans, applicable à toutes les émissions réalisées entre 2026 et 2030. Le texte élargit aussi le principe d’endossement, permettant à ces titres d’être échangés librement entre investisseurs, et introduit un cadre d’émission assoupli destiné à intégrer ces instruments dans la politique de financement du Trésor.
Ces mesures fiscales visent à garantir la rentabilité et la liquidité de ces produits tout en favorisant l’émergence d’un marché domestique de la finance islamique. Elles s’inscrivent dans une logique plus large de diversification des sources de financement public. Le PLF 2026 accorde déjà au Trésor la possibilité d’émettre des titres d’emprunt, de procéder à des prélèvements sur les entreprises publiques ou de garantir certains partenariats. Les sukuk s’ajoutent à cet arsenal, offrant un moyen de lever des fonds sans recourir à l’endettement conventionnel.
L’expérience d’autres pays, notamment la Malaisie, le Bahreïn ou l’Arabie saoudite, montre que les sukuk peuvent constituer un outil efficace de mobilisation de l’épargne nationale et régionale tout en finançant des infrastructures publiques.
Pour que la réforme produise ses effets, plusieurs conditions devront toutefois être réunies : une valorisation transparente des actifs de l’État, une certification religieuse indépendante, et la création d’un marché secondaire assurant la circulation des titres. Sans ces garde-fous, la mesure risquerait de rester théorique.