Malgré la promesse d’importer un million de pneus, la pénurie persiste. Prix envolés, saisies spectaculaires et condamnations lourdes rythment une crise qui dure.
Depuis plusieurs années, les Algériens affrontent une crise inédite : trouver un pneu est devenu mission impossible. Produit banal ailleurs, il est ici rare, cher, et source de spéculation. Fin août, le président de la République a annoncé l’importation d’un million de pneus pour apaiser les tensions. Mais trois semaines plus tard, le quotidien des automobilistes n’a pas changé : la pénurie persiste, les prix flambent, et les usagers continuent de subir les défaillances d’un système incapable de répondre à une demande de base.
À Tizi Ouzou, Samir, chauffeur de taxi, résume la situation : « La crise est toujours là. Après la décision d’importer, on espérait enfin de la disponibilité, mais la pénurie est quotidienne. Chaque semaine, ce que j’achète devient plus rare et plus cher. » Un constat partagé dans les grandes villes comme dans les wilayas plus reculées : l’approvisionnement reste aléatoire et les tarifs explosent. De 15 000 dinars il y a quelques années, un pneu se négocie aujourd’hui à 50 000 dinars. Pour les particuliers comme pour les professionnels, la mobilité est devenue un luxe.
Répression tous azimuts, impact limité
En parallèle, les autorités ont lancé une vaste campagne contre la spéculation. Les saisies se succèdent : 304 pneus découverts à Oum El Bouaghi dans un entrepôt clandestin, accompagnés de registres falsifiés ; plus de 3 500 pneus confisqués à Mostaganem, où quatre individus ont écopé de dix ans de prison pour spéculation.
Le ton est donné : fermeté maximale. Mais ces mesures, spectaculaires sur le papier, changent peu la réalité du marché. Les automobilistes ne trouvent toujours pas de pneus abordables. Pire, certaines affaires posent question. À Ghardaïa, un commerçant a été poursuivi pour avoir stocké seulement 600 pneus. Une quantité dérisoire comparée aux saisies massives mises en avant ailleurs. Ces contradictions nourrissent le doute : s’agit-il vraiment de lutte contre la spéculation ou d’opérations de communication pour masquer l’échec des importations promises ?
Production locale hors-jeu
La crise révèle aussi la fragilité de la production nationale. Iris Tyres, seul producteur local, aligne une soixantaine de références quand le marché algérien en exige plusieurs centaines. Résultat : incapacité à répondre à la demande et dépendance chronique vis-à-vis des importations.
Celles-ci, pourtant annoncées, tardent à se matérialiser. Les autorités promettent 300 000 unités avant la fin de l’année, mais cette quantité reste insignifiante face aux besoins réels du pays. Le décalage entre la communication officielle et la réalité du terrain reste criant.
Une crise révélatrice d’un système défaillant
La flambée des prix des pneus s’ajoute à la liste des hausses qui laminent le pouvoir d’achat : transport, pièces détachées, carburant. Chaque hausse alimente un cercle vicieux qui touche directement les ménages et les entreprises. Les professionnels du transport, taxis, livreurs ou PME de logistique, voient leurs coûts exploser, répercutés inévitablement sur les clients et consommateurs.
Derrière ce fardeau économique, c’est l’improvisation politique qui apparaît au grand jour. La crise des pneus met à nu un système sans direction : promesses lancées sans suite, répression qui fait du bruit mais n’apporte rien, production incapable de suivre et importations mal gérées. Produit ordinaire ailleurs, le pneu est devenu en Algérie l’image d’un marché grippé. Trois semaines après les annonces présidentielles, la réalité est implacable : les prix explosent, la pénurie demeure, et les automobilistes roulent toujours à vide.