Acheter un camion Tirsam, c’est s’engager à ne jamais le revendre. Le constructeur algérien impose à ses clients une déclaration sur l’honneur sans limite de durée, révèle l’APOCE. Une clause qui fait grincer des dents.
Le document a fait réagir sur les réseaux sociaux. Mustapha Zebdi, président de l’Organisation algérienne de protection et d’orientation du consommateur (APOCE), a publié hier samedi une “déclaration d’engagement” que le constructeur de poids lourds Tirsam, basé dans la zone industrielle de Kchida à Batna, impose désormais à ses acheteurs.
Le formulaire, daté de décembre 2025, ne laisse guère de place à l’ambiguïté. L’acquéreur doit certifier que le camion acheté sera destiné “exclusivement à un usage personnel” et qu’il ne pourra “ni le revendre, ni le céder”. Le tout “afin de préserver les équilibres commerciaux du marché national et d’éviter les opérations de spéculation illégale”.

La référence juridique invoquée est explicite : la loi 21-15 du 28 décembre relative à la lutte contre la spéculation illicite. L’acheteur s’expose ainsi à des poursuites civiles et pénales en cas de manquement, tandis que Tirsam se dégage de toute responsabilité pour les actes commis par l’acquéreur.
“Un engagement à vie” selon l’APOCE
En publiant ce document, Mustapha Zebdi n’a pas manqué de faire part de ses réserves. S’il affirme soutenir le principe des engagements anti-spéculation, le président de l’APOCE pointe une faille majeure dans la rédaction de ce formulaire : l’absence de toute limite temporelle.
“L’interdiction de vendre ou de céder le véhicule, sans précision de durée, revient à un engagement à vie”, relève-t-il, avant d’ajouter avec une pointe d’ironie : “Même un contrat de mariage n’impose pas de telles conditions.”
L’association appelle ainsi Tirsam à revoir sa copie et à préciser un délai au-delà duquel l’acquéreur retrouverait la pleine disposition de son bien. Une demande qui pose, en filigrane, la question de la proportionnalité des mesures anti-spéculation face au droit de propriété.
Un arsenal juridique dissuasif
La référence à la loi 21-15 du 28 décembre 2021 relative à la lutte contre la spéculation illicite et lourde de sens. Ce texte, adopté dans un contexte de tensions sur les marchés des produits de première nécessité, prévoit des sanctions particulièrement lourdes.
Pour les faits de spéculation simple, les contrevenants encourent des peines de trois à dix ans d’emprisonnement assorties d’amendes allant de un à deux millions de dinars. Le dispositif se durcit considérablement lorsque les infractions sont commises en bande organisée ou en période de crise : la réclusion criminelle peut alors aller jusqu’à la perpétuité.
La loi ne se limite pas aux transactions frauduleuses. Elle réprime également la diffusion de fausses informations susceptibles de perturber les marchés et impose aux pouvoirs publics, État comme collectivités locales, des obligations en matière de stabilisation des prix des produits essentiels.
En invoquant ce cadre juridique, Tirsam place ses acheteurs face à un engagement aux conséquences potentiellement graves en cas de revente. Une stratégie de dissuasion maximale qui, selon l’APOCE, mériterait d’être encadrée par des limites temporelles raisonnables.