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Pour Hadj Nacer, le pouvoir reproduit la pratique coloniale d’élimination des élites algériennes

Par Maghreb Émergent 25 May 2014
Abderahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie (Ph. Y. Bouktache)

L’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer, est revenu, samedi lors d’une rencontre conviviale avec des journalistes et des citoyens à Boumerdès, sur l’actualité algérienne, dominée par la révision de la constitution.

La rencontre a eu lieu en marge d’une vente-dédicace de son livre « La Martingale algérienne, une réflexion sur une crise » (nouvelle édition augmentée) paru aux éditions Barzakh. M. Hadj Nacer s’est exprimé sur les consultations politiques engagées par le président Bouteflika avec des acteurs politiques et des personnalités dans la perspective de la révision constitutionnelle.
Hadj Nacer dit n’avoir pas été invité à ces consultations, mais même si c’était le cas, il aurait décliné l’offre pour la raison simple qu’il n’a été « délégué » par personne pour le faire. « Plutôt que quelques technocrates politisés, on devrait inviter les représentants des populations algériennes, c’est-à-dire les corps intermédiaires (syndicats, associations,…) qui sont, eux, en contact direct avec la population. Il faut avoir d’abord des discussions avec les gens, bien les comprendre et échanger avec eux,» explique Hadj Nacer.
Mais le problème est qu’en Algérie, la population n’a jamais été associée aux discussions concernant son avenir. « Prenez les chartes de 1975 et 1985. Ce sont des textes pensés en haut lieu de l’échelle du pouvoir et qu’on a ensuite soumis à la population ». D’après lui, ces textes n’étaient en rien l’émanation d’une volonté collective. Dès lors, vu les enjeux et la méfiance de la population vis-à-vis des élites politiques, il est impératif, souligne Hadj Nacer, d’aller vers un consensus.
A ses yeux, le vrai débat politique impose que la population se sente concernée. « Ce qui fait fonctionner un pays, ce ne sont ni les chefs ni le peuple travailleur au plus bas. Ce sont plutôt la classe moyenne et les élites. Donc, il faut faire très attention à la formation de la classe moyenne et des élites. La France a bien compris que pour maitriser le peuple algérien, il lui fallait tuer à la base (massacres des populations sans discernement). Une ville comme Laghouat fut décimée au 7/8es de sa population. Pour vider le pays de sa substance le colonisateur a tué les élites ou alors il les a exfiltrées. Il y eut donc une pratique française d’élimination des élites toutes les 30 années », a rappelé l’ancien gouverneur.
Les jeunes retraités
« Ce qui est frappant, c’est qu’après l’indépendance, on a eu affaire aux mêmes pratiques : assassinats d’élites, exfiltrations et mises à la retraite. En 1962, on s’est attaqué soi-disant au bourgeois. Or, qui était-il ? Celui qui accumulait la richesse ou le savoir ? Il se trouve que l’on s’est attaqué aux deux », souligne-t-il.
Au début des années 1980, l’épisode des exfiltrations a atteint son apogée. Le pouvoir de l’époque avait mis en place des « techniques », de telle sorte à pousser les élites à l’exil. L’une d’elles, par exemple, consiste à pousser des cadres à la porte de retraite. « On a inventé en Algérie qu’on pouvait partir en retraite à 40 ans, avec un salaire qui évoluait toutes les années en fonction du salaire de ceux qui sont encore en poste,» relève l’auteur de la Martingale Algérienne. Il n’hésite pas, pour ce faire, à citer en exemple, sa propore expérience. « J’ai été gouverneur de la Banque centrale d’Algérie, j’ai été mis à la retraite la quarantaine encore non entamée, et j’ai droit à une retraite de gouverneur à vie. Je n’ai jamais encore vu ça, même dans les romans de sciences fiction. C’est une façon de mettre les gens dehors », a-t-il asséné.
Pour Hadj Nacer, le salut du pays, y compris dans les heures les plus sombres de son histoire, est venu de son élite et de sa classe moyenne. « Jusqu’à la période sauvage des années 1990, on a eu d’un côté les islamistes, dotés d’une vision brutale d’accès au pouvoir en tâchant de s’y maintenir, et de l’autre, les militaires qui avaient une idée du pouvoir qui était totalement différente. Toutefois, ils se sont entendus sur un point : les élites et la classe moyenne étaient gênants». L’explication de Hadj Nacer tient à ceci : en 1988, tous les investissements de l’indépendance ont donné leurs fruits à travers l’émergence d’une classe moyenne et d’une élite. « Or, quand on a une classe moyenne et une élite de qualité, elles demandent de participer au pouvoir. Chose que ni les islamistes, ni le pouvoir n’étaient prêts à accepter ».

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