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Procès de Bouakba : le débat sur la mémoire clos en quelques heures

Par Mohammed Iouanoughene 5 December 2025

Les sentiments des personnes présentes au procès du journaliste Saâd Bouakba, de la chaîne « Roya » et de son directeur, étaient partagés hier au tribunal de Bir Mourad Raïs, relevant de la Cour d’Alger.

Entre le soulagement de voir Bouakba quitter la prison, la tristesse suscitée par la fermeture de cette jeune chaîne de télévision youtube, et les peines de prison avec sursis prononcées par le tribunal, les journalistes, avocats et  politiques restés jusqu’à la fin de l’audience demeuraient perplexes quant à l’avenir de cette profession, devenue le maillon le plus faible de la société, comme si le travail journalistique en lui-même était un crime.

Cette fragilité est apparue de manière frappante lorsque le journaliste Abdelhak Laâleg, animateur de l’émission mise en cause, s’est présenté à la barre.

Le nom d’Abdelhak Laâlaq figurait dans le dossier comme témoin, mais, au fil des questions du tribunal et des plaidoiries des avocats, son statut a prêté à confusion pour la présidente de l’audience qui, en jetant un regard sur le dossier, s’est rendu compte qu’il n’était pas accusé.

« …Tu es témoin dans le procès-verbal ? » s’étonna la présidente en s’adressant au journaliste d’un ton surpris, après avoir longuement tourné autour sur une seule question : « Pourquoi as-tu utilisé les termes “détournement” et “se sont partagés le gâteau ” dans tes questions, et qu’entendais-tu par là ? »


L’animateur de l’émission télévisée : témoin ou accusé ?


Vint ensuite le tour des avocats de la partie civile, qui n’ont pas caché leur gêne à plaider contre Bouakba, auteur des chroniques qui ont formé ces avocats étaient durant leur cursus de lycéens et  l’universitaires.
La cible facile – comme il est apparu – est donc Abdelhak Laâleg et sa jeune chaîne « Roya », qu’un des avocats a accusée ouvertement de « rechercher le sensationnel au détriment de la dignité des gens ».​

À ce moment-là, les choses sont devenues claires : Bouakba allait être libéré, alors que la chaîne « Roya » ne reviendrait pas, malgré l’optimisme de son directeur, Harraoui Abdelhalim, d’autant que, contrairement aux rumeurs, le siège n’a pas été scellé mais uniquement les studios de la chaine, les gendarmes lui ayant indiqué qu’il s’agissait d’une mesure conservatoire qu’il n’était pas nécessaire de médiatiser.​

Même lorlorsque prolorsqrocureur a requis cinq ans de prison à l’encontre de Bouakba et deux ans contre le directeur de la chaîne), le sentiment dominant dans la salle et dans le hall du tribunal était que Bouakba quitterait bientôt la prison de Koléa, soit immédiatement après la fin du procès, soit une ou deux semaines plus tard en cas de renvoi du prononcé du jugement.

Soulagement et amertume

Un autre épisode de l’audience a mis le journaliste Fodil Boumala, présent dans la salle, en colère : « C’est un scandale  morale, comment les avocats de la partie civile peuvent-ils se désister de l’affaire après avoir terminé leurs plaidoiries et demandé un dinar symbolique de dommages et intérêts ? ».

Maître Bouchachi répond : « Conclure une plaidoirie en annonçant le désistement de l’action est un beau geste de la part de l’avocat, mais se désister tout en réclamant des dommages et intérêts en même temps n’a aucune logique. ».​

Quant à maître Heboul, il estime que « nous ne sommes pas devant un litige entre deux parties, ou une affaire de diffamation… nous sommes face à une affaire d’outrage aux symboles de la révolution ; par conséquent, même si la partie civile se désiste, l’action publique, elle, se poursuit. ».​

Dans sa plaidoirie, Heboul a soulevé un autre problème procédural qui ramène l’affaire à son point de départ : Bouakba, la chaîne « Roya » et son équipe sont poursuivis sur la base de l’article 148 bis du code pénal, qui prévoit une peine de trois à cinq ans de prison et une amende de 500 000 à 1 000 000 dinars pour toute insulte, injure ou diffamation, par quelque moyen que ce soit, visant les « symboles de la Révolution de libération nationale ». La question qui se pose alors est : qui sont ces « symboles de la Révolution de libération nationale » ?

Un débat évacué

L’expression « symboles de la Révolution de libération » est apparue pour la première fois dans la loi sur le moudjahid et le chahid sous la présidence de feu Chadli Bendjedid, avant d’être modifiée par la loi 99/07 dont l’article 52 énumère ces symboles comme suite : “la déclaration du 1er Novembre, le drapeau national, l’hymne national, le chahid, le moudjahid, la veuve du chahid, les cimetières des martyrs, les musées du moudjahid, les sites et monuments historiques, ainsi que les places comportant des symboles de cette révolution”.

Cependant, la loi sur le moudjahid et le chahid ne prévoit aucune sanction penale pour l’outrage aux symboles de la révolution, et des peines similaires n’avaient jamais été intégrées au code pénal par les précédents présidents.​

Heboul souligne que « la question des symboles de la révolution a été élevée au rang constitutionnel depuis la révision de 1996, ce qui signifie que l’article 52 de la loi sur le moudjahid et le chahid est supplanté par la Constitution, qui ne retient que deux symboles : le drapeau et l’hymne nationaux ».

Ce débat juridique a besoin d’être prolongé par une réflexion historique plus approfondie pour éclairer le conflit porté devant la justice entre Mahdia, fille du moudjahid et président Ahmed Ben Bella, et le journaliste Saâd Bouakba.​

Ce débat aurait dû se prolonger pendant des jours et des semaines dans les médias, à travers des plateaux télévisés et des comptes rendu depuis la salle d’audience.

Mais le tribunal et les avocats de la partie civile ont choisi, dès le début, la voie la plus courte, l’avocat Hafid Tamert ayant déclaré à l’audience que lui et ses confrères avaient demandé à leur cliente de ne pas exercer son droit de réponse garanti par la Constitution.​

Un autre avocat est allé jusqu’à proposer à Bouakba de présenter des excuses en contrepartie du désistement de la plainte.​

Ben Bella est davantage mon père que le tien

Un avocat de la défense a, de son côté, affirmé que « Bouakba est prêt à dire à Mahdia Ben Bella que, si ses propos ont été compris comme une offense à son père, il s’en excuse ».​

L’audience s’est achevée lorsque Bouakba s’est adressé à elle en disant : « Pardonne-moi… je ne peux pas porter atteinte à ton père, Ben Bella est davantage mon père que le tien… l’acquittement ne me suffit pas. »​

Bouakba n’a peut-être pas saisi le sens que prenait le procès, lequel s’est terminé par sa condamnation à trois ans de prison avec sursis et par la fermeture d’un média qui signifie la fermeture du débat historique, politique et juridique…

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