L’Algérie pourrait enfin tourner une page de sa dépendance alimentaire. Le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Youcef Cherfa, a annoncé samedi depuis Chlef que la production nationale de blé dur prévue pour la saison agricole 2024/2025 permettra d’assurer l’autosuffisance du pays en 2026.
Une déclaration qui prête à optimisme dans un pays qui consacre chaque année des milliards de dollars à l’importation de céréales.
À l’issue d’une visite dans la wilaya de Chlef, à l’occasion du lancement officiel de la campagne de moisson-battage pour les régions du nord et des Hauts-Plateaux, le ministre a souligné que la campagne actuelle s’annonçait « prometteuse ». « Une production attendue de blé dur nous permettra d’assurer l’autosuffisance et de ne plus recourir à l’importation en 2026 », a-t-il affirmé. Cet objectif stratégique a été défini par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a-t-il précisé. Lors des assises sur l’agriculture en février dernier, Abdelmadjid Tebboune avait indiqué qu’avec 3 millions d’hectares emblavés et un rendement de 30 quintaux à l’hectare (à minima), le pays peut produire chaque année 9 millions de tonnes de blé. Un pari en passe d’être réussi.
Une facture céréalière lourde
Chaque année, l’Algérie importe entre 7 et 8 millions de tonnes de blé, principalement tendre, pour un coût dépassant régulièrement les 2,5 à 3 milliards de dollars, selon les données du ministère du Commerce. Des achats qui grèvent le budget de l’Etat, encore plus dans un contexte de volatilité des prix de pétrole, principale ressource en devises du pays. Si le blé dur est moins massivement importé que le blé tendre utilisé dans la panification, sa culture représente un levier essentiel pour alléger cette facture, d’autant plus que le pays dispose d’un savoir-faire et d’un potentiel agronomique pour le produire localement.
Des rendements prometteurs dans le Sud
Le ministre a également mis en lumière les progrès réalisés dans d’autres filières céréalières, notamment l’orge. « Nous avons beaucoup évolué et nous allons pouvoir couvrir une bonne partie des besoins de l’année prochaine », a-t-il assuré. La production nationale serait « bien meilleure » que celle de l’année précédente, avec une dynamique positive continue.
Dans les wilayas du Sud, la production connaît également un essor remarquable, avec des rendements dépassant les 55 quintaux à l’hectare, et atteignant parfois jusqu’à 80 qx/ha, a indiqué le ministre.
Colza et soja : de nouveaux paris agricoles
Outre les céréales classiques, l’Algérie poursuit sa diversification agricole. Le colza, cultivé sur une superficie de 21.000 hectares, est présenté comme une culture industrielle stratégique. Grâce aux unités de trituration disponibles localement, il contribuera à renforcer la production nationale d’huile de table.
Quant au soja, dont la première expérience a été lancée sur 100 hectares, le ministre a insisté sur l’importance de lui réserver davantage d’exploitations agricoles. Ce produit est destiné non seulement à la production d’huile, mais également à l’alimentation animale, secteur lui aussi tributaire des importations.
Réformes foncières et soutien aux agriculteurs
Dans un registre plus structurel, Youcef Cherfa a annoncé le début d’un vaste chantier d’assainissement du foncier agricole. Une circulaire conjointe avec les ministères des Finances, de l’Intérieur et de l’Agriculture vise à résoudre plus de 90 problématiques foncières qui freinent l’investissement dans le secteur.
« L’agriculteur est le seul à même de développer l’agriculture. Le rôle de l’administration est de l’accompagner, de l’assister et de vulgariser les pratiques modernes », a conclu le ministre.
Si les prévisions se confirment, 2026 pourrait marquer un tournant majeur dans la souveraineté alimentaire de l’Algérie, en particulier dans la filière stratégique du blé dur. Une ambition nationale aux retombées économiques et sociales potentiellement considérables.