En visite dimanche soir dans la wilaya de Relizane, le ministre de l’Industrie, Sifi Ghrieb, a affirmé que son département s’emploie à remettre en marche, « dans les plus brefs délais », tous les projets industriels confisqués dans le cadre des affaires de corruption ayant suivi la chute de l’ancien régime d’Abdelaziz Bouteflika.
« Sur instruction du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, le ministère de l’Industrie travaille à la relance de tous les projets industriels confisqués, au service de l’économie nationale », a déclaré le ministre à la presse, en marge d’une visite d’inspection. Il a précisé que cette démarche s’inscrit dans les efforts visant à valoriser les actifs récupérés par l’État et à redynamiser le tissu industriel, notamment dans les Hauts Plateaux et les régions de l’intérieur.
Une reprise pilotée par les groupes publics
Depuis 2019, ce sont des dizaines de sites industriels – usines, infrastructures, fonciers et équipements – qui ont été saisis par la justice, après des jugements définitifs contre leurs anciens propriétaires. Ces derniers faisaient partie d’une poignée d’oligarques influents condamnés pour corruption, dilapidation de deniers publics et abus de pouvoir. Parmi eux : Ali Haddad, les frères Kouninef, Mahieddine Tahkout, les frères Arbaoui ou encore Mourad Oulmi.
À ce jour, 23 unités industrielles ont été officiellement transférées à trois groupes publics, tandis que plus d’une centaine de biens – comprenant des usines, cimenteries, huileries, unités de montage automobile, hôtels et complexes touristiques – ont été récupérés et confiés à des entreprises nationales.
Parmi les exemples notables : l’usine de tubes en acier de l’ETRHB Haddad à Bethioua (Oran), reprise par Alfapipe, plusieurs unités du groupe Kouninef, à Alger et Jijel, transférées à Madar Holding et Agrodiv, l’usine d’huile Cogral au port d’Alger, désormais exploitée par Agrodiv, la huilerie de Jijel, les raffineries de sucre et d’huile de Reghaia, Oran et Alger, des usines de montage automobile (Hyundai, Sovac, Suzuki…), des cimenteries (M’sila, Annaba), des usines pharmaceutiques (Tissemsilt, Reghaia) et un hôtel 4 étoiles à Boumerdès repris par le groupe SIH.
En parallèle, 15 usines ont déjà été relancées, notamment dans la région de Mostaganem, et confiées à des entités publiques comme ENTP, spécialisée dans les travaux publics et la maintenance pétrolière.
Au total, 401 lots de foncier industriel ont également été saisis et sont en voie d’exploitation ou de réattribution.
Une opération coûteuse mais stratégique
Bien que l’objectif affiché soit clair – relancer l’industrie nationale et créer de l’emploi – la réhabilitation de ces actifs n’est pas sans coût. La plupart des unités nécessitent des investissements lourds : réhabilitation d’infrastructures détériorées, modernisation des chaînes de production, ou encore assainissement juridique. Le coût global pour le Trésor n’a pas été dévoilé, mais les premières estimations évoquent des dizaines de milliards de dinars à mobiliser, selon plusieurs experts.
Le ministre a toutefois insisté sur le fait que ces efforts visent à sauvegarder les emplois existants et à en créer de nouveaux, au lieu de laisser des infrastructures à l’abandon. À Relizane, il a visité une cimenterie à El Kalâa et un complexe agroalimentaire rattaché à Agrodiv, deux projets issus des biens confisqués. Il s’est également rendu au complexe textile Tayal, implanté dans la zone industrielle de Sidi Khettab, partiellement opérationnel, mais toujours en attente d’un plan de relance complet.
Un pari politique, social et industriel
La politique de récupération et de relance des projets industriels s’inscrit dans la vision du président Tebboune de rompre avec l’économie de rente, réindustrialiser le pays et tourner la page du clientélisme. En confiant ces actifs à des groupes publics structurés comme Madar Holding, Agrodiv, Alfapipe, SIH, ENTP ou SNTP, l’État espère construire une base industrielle solide et mieux répartie sur le territoire.
Cependant, certains analystes appellent à davantage de transparence dans la gestion des actifs saisis, et à éviter que cette relance ne se transforme en nouvelle hémorragie budgétaire si elle n’est pas accompagnée d’une gouvernance rigoureuse et d’un modèle économique viable.