Deux groupes, Aviagen et Cobb-Vantress, fournissent une large part de la génétique utilisée dans le poulet de chair dans le monde. Cette concentration n’est pas qu’un sujet industriel lointain : elle structure aussi l’aviculture algérienne, où les souches importées dominent pour des raisons de coûts et de rendement.
Le constat, en Algérie, est désormais assumé au plus haut niveau diplomatique. Dans une interview accordée à Maghreb Emergent, l’ambassadrice des États-Unis en Algérie, Elizabeth Moore Aubin, a révélé que 70 % de la volaille produite localement intègre désormais de la génétique avicole américaine. Cette donnée renvoie cependant à une réalité industrielle globale : la génétique du poulet est un marché très concentré, et l’Algérie s’y insère comme la plupart des pays.
À l’échelle mondiale, le marché de la génétique du poulet de chair est extrêmement concentré. Aviagen, avec ses lignées Ross et Arbor Acres, détient environ 35 à 45 % du marché mondial. Cobb-Vantress, filiale du groupe américain Tyson Foods, contrôle 30 à 40 % du marché grâce à ses lignées performantes, notamment la Cobb 500. Ensemble, ces deux groupes fournissent une grande majorité des souches utilisées dans le monde pour produire du poulet.
D’autres acteurs complètent le paysage, mais restent loin derrière. Hubbard, d’origine européenne, représente environ 10 à 20 % du marché mondial. Des entreprises plus petites occupent le reste des parts. Cette concentration a une conséquence directe : une grande partie de la production mondiale de poulet repose sur les décisions et la capacité d’approvisionnement de quelques fournisseurs.
En Algérie, cette dépendance s’explique d’abord par une logique de coût. Les souches importées dominantes sur le marché mondial sont choisies pour leur productivité et leur conversion alimentaire. Dit autrement : elles permettent de produire plus, plus vite, avec moins d’aliments. Pour les opérateurs, cela réduit les coûts de production et améliore la régularité des performances, deux critères décisifs dans une filière soumise à une forte pression sur les prix.
Cette logique est renforcée par l’évolution de la consommation. Le poulet est devenu la principale source de protéine animale pour une grande partie des ménages algériens. La hausse des prix de la viande rouge a modifié durablement les arbitrages. Bœuf et mouton sont souvent hors de portée pour de larges catégories sociales, tandis que le poulet, malgré ses fluctuations, demeure la protéine animale la plus abordable.
Ce basculement rend la filière avicole plus stratégique qu’avant. Quand un produit devient central dans l’assiette, la question de l’amont devient automatiquement politique et économique. Or, en l’absence d’une base génétique locale suffisamment structurée, la filière reste insérée dans des chaînes d’approvisionnement internationales, où la marge de manœuvre est limitée.
C’est là que la dépendance devient un sujet de moyen terme. Elle soulève des enjeux de souveraineté alimentaire, de transfert de technologie et de diversification des sources génétiques. En cas de perturbation des chaînes d’approvisionnement internationales, les effets peuvent être rapides sur l’offre locale et, par ricochet, sur les prix.





