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Quatre plaies de l’économie algérienne révélées par la Banque d’Algérie

Par Yazid Ferhat 31 janvier 2017
Oui au retour du crédit à la consommation mais avec des garde-fous, selon le ministre des Finances (DR)

Le rapport présenté dimanche par M. Mohamed Loukal, gouverneur de la Banque d’Algérie, révèle quatre grandes plaies de l’économie algérienne.

 

Dans le flot de chiffres cités par M. Mohamed Loukal, gouverneur de la Banque d’Algérie, sur la situation économique et financière du pays durant l’année 2016, quatre évolutions intriguent par leur ampleur et leurs implications. Il s’agit de la baisse des réserves de change, qui inquiètent plus par son rythme que par son niveau ; de la parité du dinar, qui reprend des couleurs face à l’euro alors que la situation de l’économie algérienne ne le justifie pas ; des 4.3 milliards de dollars qu’aura couté la conversion des réserves algériennes en dollars, une information noyée dans une profusion de chiffres, alors qu’elle mérite des explications approfondies ; et enfin, l’échec des opérations visant à bancariser l’argent informel.

Les réserves de change ont baissé de 29.9 milliards de dollars durant l’année 2016, contre une baisse de 34 milliards durant l’année 2015, et 34.9 milliards en 2014. Elles sont passées de 178,94  milliards fin 2014 à 144 milliards fin 2015, et 114.1 milliards à fin 2016. Cette évolution donne une baisse moyenne supérieure à 30 milliards de dollars par an. Au rythme actuel, les réserves de l’Algérie fondent à un rythme de 2.5 milliards de dollars par mois.

Conjoncture mitigée

La baisse du prix du pétrole a eu un poids décisif dans cette évolution, mais sur d’autres terrains, la conjoncture était plutôt favorable. En 2016, la baisse des réserves de change a été atténue par l’effet conjugué de quatre facteurs : une légère embellie du prix du pétrole au quatrième trimestre, qui poussé le prix au-dessus de la barre des 50 dollars, la hausse du dollar, une baisse des prix des produits importés, et des restrictions sur les importations qui ont provoqué une baisse du volume des importations.

Au rythme actuel, les réserves de change seraient épuisées dans un délai de quatre ans. L’évolution ne sera pas linéaire, en raison de multiples paramètres, mais le gouvernement dispose de peu de leviers pour en infléchir la courbe. Importations incompressibles pour acheter la paix sociale et assurer l’approvisionnement de l’appareil de production ; croissance faible, sous la barre des trois pour cent ; difficultés de relancer une production nationale, qui dépendra largement des importations : tous ces facteurs ne permettent d’envisager un retournement dans l’immédiat.

Le dinar se maintient, contre toute logique

Quant au dinar, il a baissé de 2.94 % par rapport au dollar et de 4.64 % par rapport à l’Euro au cours du premier semestre de 2016. Ensuite, la monnaie algérienne est restée stable par rapport au dollar, qui coûtait 110.6 dinars en mai et 110.5 dinars à fin décembre 2016, malgré une forte hausse du dollar sur le marché des devises. Face à l’euro, le dinar a même gagné du terrain, passant de 124.1 dinars pour un euro à 116.3 dinars pour un euro. Sur l’exercice précédent, le dinar avait perdu près de 20% de sa valeur par rapport aux principales monnaies européennes.

Cette stabilité du dinar s’explique essentiellement par le revirement de la Banque d’Algérie, passée d’une gestion relativement serrée durant la période Laksaci à une gestion très accommodante entamée avec l’avènement de Mohamed Loukal. Celui-ci a docilement accompagné la gestion du gouvernement qui, pour éviter une hausse de l’inflation importée, a maintenu la monnaie algérienne à un niveau largement déconnectée de la réalité économique du pays. Sur le marché parallèle, le dinar a encore creusé l’écart. Il s’échange au-dessus de 180 dinars pour un euro, contre 160 une année auparavant.

Une conversion coûteuse

Sur un autre chapitre, M. Loukal a indiqué que la conversion des réserves de change a coûté 4.3 milliards de dollars. Cela signifie les réserves algériennes ont diminué de près de 3.3% du simple fait des variations de la valeur des monnaies dans lesquelles elle était libellée.

Etait-il possible d’anticiper ces évolutions et d’éviter cette dégradation? Difficile à dire. Un économiste, plutôt critique envers le gouvernement, ne trouve rien à redire sur cette situation. Il se contente de rappeler que le choix de l’Algérie est de rechercher des garanties, en partageant les réserves entre plusieurs monnaies et l’or. « C’est une stratégie sans risque majeure, elle est défendable », dit-il.

Echec face à l’informel

Dernier élément, passé presque inaperçu : la monnaie fiduciaire a encore augmenté entre 2014 et 2016, passant de 26.7% à 32.3%. Dans le même temps, la masse monétaire restait pourtant stable. Elle a évolué d’à peine 0.1%.

Ces chiffres signifient clairement que la politique engagée pour pousser l’argent informel vers les circuits officiels a été un fiasco. La situation s’est même aggravée, même si la hausse de la monnaie fiduciaire ne signifie pas de manière mécanique une augmentation de la part de l’informel dans l’économie.

Deux grandes opérations avaient été pourtant menées sur ce terrain. L’ancien ministre des finances Abderrahmane Benkhalfa avait parié sur la « conformité fiscale », lancée durant l’été 2015, pour attirer vers les banques l’argent dormant, contre une pénalité fiscale de sept pour cent. Le bilan de l’opération a été si faible qu’il n’a pas été rendu public.

Une seconde opération, permettant de bancariser l’argent informel contre rémunération, allant jusqu’à 5 pour cent, a été lancée ensuite. Avec un résultat similaire. Est-ce le résultat de la méfiance des opérateurs de l’informel envers le circuit bancaire ? Est-ce une volonté délibérée de continuer à activer en dehors du champ officiel pour échapper aux taxes et impôts ? Ou bien est est-ce l’inefficacité du système bancaire qui est en cause ? Le gouvernement n’a pas encore apporté de réponse.

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