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Réchauffement climatique : les performances de l’Algérie sont faibles

Par Samy Injar
17 juin 2025

Il ne fera plus une seule fois moins de 37 degrés dans les prochains jours à Chlef et pas une seule fois en dessous des 35 degrés à Tizi Ouzou. Dans le Touat (Adrar) et dans le  Tidikelt (In Salah) les températures se sont installées au dessus des 45°C pour trois longs mois. Les canicules sont là dès la première semaine de juin. En Italie, en Grèce et en Espagne, les canicules précoces déclenchent déjà des alertes sanitaires et énergétiques. Ce n’est plus un scénario théorique : le réchauffement climatique nous oppresse et il s’accélère.

Pourtant, alors que les signaux d’alarme se multiplient, les performances de l’Algérie dans la lutte contre le changement climatique peinent à convaincre. Le pays a bien signé l’Accord de Paris en 2015 et soumis une Contribution déterminée au niveau national (CDN), mais les engagements se heurtent à la réalité d’un modèle énergétique rigide, encore dominé par les hydrocarbures et des convictions politiques proches d’être  scepto-climatiques.

Engagements modérés, résultats limités

Dans le cadre de sa première CDN, l’Algérie s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 7 % d’ici 2030 de manière non conditionnelle, et jusqu’à 22 % avec soutien financier international. Ces réductions portent sur plusieurs secteurs clés : énergie, transport, bâtiment, industrie, agriculture, forêt et déchets.

Mais à mi-parcours, la dynamique est timide. Le pays continue d’émettre environ 174 MtCO₂e par an (chiffres 2022), un niveau comparable à celui de l’Afrique du Sud, mais sans la même capacité industrielle. L’Algérie est ainsi l’un des plus gros émetteurs de CO₂ par habitant en Afrique du Nord, avec une économie fortement carbonée.

Une transition énergétique au ralenti

Le chapitre des énergies renouvelables, pourtant central dans toute stratégie d’atténuation, illustre le décalage entre les ambitions et les faits. L’Algérie avait projeté en 2011 de produire 10 GW de solaire à 2025, et 22 GW à l’horizon 2030. Or, au premier semestre 2025, le cap symbolique du premier gigawatt solaire installé n’est toujours pas atteint.

Le mix électrique reste dominé à plus de 97 % par le gaz naturel, avec moins de 1 % d’électricité renouvelable, principalement solaire.

Logement, transport : l’efficacité oubliée

Dans le secteur du bâtiment, les programmes de logements publics (AADL, LPP, LPA) continuent d’être livrés sans exigences minimales d’isolation thermique, malgré un climat de plus en plus énergivore notamment en été où sont enregistrés les pics de consommation électrique à cause de la climatisation. Le Plan National de Maîtrise de l’Énergie (PNME), relancé en 2020, prévoit des mesures d’efficacité (éclairage, chauffe-eau solaires, vitrages), mais reste peu visible sur le terrain.

Les transports – deuxième poste d’émission après l’énergie – évoluent lentement. Aucun plan sérieux de mobilité électrique, de transport collectif décarboné ou de limitation des véhicules thermiques n’a encore émergé. Le parc automobile reste ancien, inefficace, et dépendant du carburant subventionné.

Classement international : un signal d’alerte

Selon le Climate Change Performance Index (CCPI), l’Algérie figure à la 51ᵉ place sur 64 pays analysés en 2025. Le pays est noté “faible” pour ses politiques climatiques et la part des renouvelables, et seulement “moyen” sur les émissions. Son score global reste insuffisant pour le placer sur une trajectoire compatible avec les objectifs de 1,5 °C de plus à 2050.

Une vulnérabilité bien réelle

Cette attitude peu impliquée dans la mobilisation planétaire antiémission de carbone pourrait laisser penser que l’Algérie est mieux lotie que la moyenne des pays face aux préjudices du réchauffement climatique. C’est malheureusement l’inverse : l’Algérie fait partie des pays les plus exposés aux effets du dérèglement climatique. Canicules de plus en plus précoces et longues, baisse des précipitations, stress hydrique chronique. On pourrait y ajouter le risque fréquent d’inondations centenaires liées au réchauffement et la région a eu à pâtir dramatiquement à l’automne 2023 à Darna en Libye (30 000 morts). L’été 2021 reste lui gravé comme un traumatisme national : des incendies cataclysmiques ont ravagé les forêts de Kabylie, causant la mort de dizaines de personnes et la perte de milliers d’hectares de couvert végétal.

L’agriculture est déjà affectée par la salinisation des sols, la réduction de la ressource en eau, et la montée en fréquence des sécheresses. L’exode climatique ne concerne que les populations du Sahel pour le moment.

Un vrai tournant attendu

L’Algérie a les moyens – ensoleillement, surface, ingénieurs, capacités – de devenir un acteur crédible de la transition énergétique et de diminuer fortement ses émissions de gaz carbone. La réduction en cours du torchage du gaz par Sonatrach pèse peu dans le délestage du bilan carbone du pays . L’Algérie, très exposée, a aussi un intérêt vital à anticiper les bouleversements climatiques. Entre des déclarations – de plus en plus de circonstances – et l’action à mener – de plus en plus urgente –  l’écart reste béant. Il faut espérer que le tournant attendu vers une politique climatique plus responsable survienne avant la contrainte prochaine de la taxe carbone ou le traumatisme d’un nouveau cataclysme national lié au réchauffement.


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