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Internationale

Report du sommet européen, Alexis Tipras maintient le cap

Par Yazid Ferhat
12 juillet 2015
Le premier ministre grec Alexis Tsipras

Le sommet européen dédié à la Grèce, prévu dimanche 12 juillet, a été reporté. Un désaccord persiste, malgré les concessions faites par le premier ministre grec Alexis Tsipras pour éviter une sortie de la Grèce de la zone euro.

 

Alexis Tsipras a-t-il lâché du lest ? Va-t-il sacrifier Syriza, pour éventuellement rester au pouvoir ? Un regard « algérien », négatif et jusqu’au-boutiste, privilégie cette lecture, au lendemain de la présentation des propositions grecques exigées par l’Union européenne. Des commentateurs sont même allés jusqu’à parler de « reddition en rase campagne », avec un gouvernement grec qui accepterait en gros les conditions fixées par l’Europe dès le départ.

Il n’en est rien. Les propositions de Tsipras répondent en fait à une autre logique. Elles répondent aux nécessités de réforme de l’économie grecque, en privilégiant des coupes dans certains secteurs plutôt que dans d’autres, tout en tenant compte de ce que la société grecque peut supporter. A l’inverse, les demandes de l’Union européenne répondaient à des demandes générales, selon des critères de type allemand ou scandinave, sans rapport avec la réalité grecque.

L’Algérie connait bien ce débat. Aucun économiste sérieux ne peut aujourd’hui contester la nécessité d’une révision du prix des carburants, de l’énergie, et de certains produits. Quitte à être considéré comme libéral, voire ultra-libéral, le prix du carburant est devenu totalement antiéconomique. C’est un choix destructeur. Le maintenir, c’est provoquer délibérément du gaspillage et de la contrebande.

Privilégier les réformes en interne

Pour l’Algérie, comme pour la Grèce, il n’est pas nécessaire de consulter le FMI ou les experts de Bruxelles pour arriver à ces conclusions, qui relèvent du simple bon sens. Ce qui est valable pour l’essence est valable pour le lait : acheté à 50 dinars chez le producteur, ce produit est revendu à 25 dinars, avec une subvention de l’Etat qui génère des rentes inimaginables, alors que personne n’est en mesure dire quel est le prix réel du lait, et quelles sont les marges de chaque partenaire.

Dans ces situations où les réformes s’imposent, il est toujours préférable de les mener en interne, avec une expertise nationale, capable de sentir où bat le pouls de la société. Augmenter le prix du carburant aujourd’hui ne provoquera pas d’émeute. Toucher l’école peut, par contre, s’avérer dangereux. Ce n’est pas l’approche du FMI, de l’Europe et des institutions internationales, qui demandent généralement des coupes uniformes dans tous les secteurs, pour aller à des ratios acceptables.

En Grèce, où l’administration est pratiquement aussi faible que celle d’un pays ordinaire du Tiers-Monde, certaines mesures ne pouvaient être évitées. La révision de la TVA, une refonte des structures de l’impôt, la réforme de l’administration fiscale, sont des sujets qui s’imposent aussi bien à la Grèce qu’à l’Algérie.

Réformes nécessaires

L’indigence des institutions, et le laisser-aller gouvernemental ont fait que dans les deux pays, ces réformes essentielles n’ont pas été menées. Un gouvernement légitime, sérieux et crédible, devrait commencer par là : la collecte de l’impôt est très faible en Grèce. Tsipras l’admet, mais inverse les priorités. Il ne veut pas que les plus vulnérables soient les premiers à payer le prix.

Ce que veut faire le gouvernement Tsipras vise en fait à mettre à niveau la gestion de l’économique grecque, pour se rapprocher des normes européennes. La Turquie a eu la même démarche durant les vingt dernières années : elle a introduit des normes de gestion européennes, qui lui ont permis de réaliser le boom économique qui en a fait une puissance régionale.

Mais c’est sur le plan politique que Tsipras a marqué sa singularité. Le leader de Syriza a acquis une forte légitimité interne, et une très grande sympathie auprès de l’opinion publique internationale. Ce symbole, très fort, se heurtait à l’Europe financière, peu habituée à traiter avec la rue, et à composer avec le peuple.

Assumer le volet politique

Fort de cette popularité, Alexis Tsipras pouvait, soit tenter de la conserver, en allant vers un radicalisme très risqué, dans la tradition des mouvements d’extrême-gauche ; soit tenter d’en tirer profit, quitte à écorner un peu son image, et en faire profiter son pays. C’est le choix qu’il a fait. Il a lâché du lest, après avoir poussé le bouchon très moins, presque trop loin.

Il devait à tout prix éviter d’apparaitre comme un jusqu’au-boutiste, partisan du tout ou rien. Il voulait aussi prouver que la gauche radicale ne travaille pas seulement pour le grand soir, qu’elle pouvait devenir une gauche de gestion. Il voulait mettre fin à cette image de groupuscules enflammés, prêts à mourir sur les barricades, avec beaucoup de panache, quitte à ce que le pays sombre. Il sait qu’il a amené l’Europe à un maximum de concessions. Pourquoi prendre le risque d’un Grexit, alors qu’il sait qu’en restant au sein de l’Europe, son pays en tirerait profit ?

Dans la partie de poker qui se jouait, il était de bon ton de se montrer intransigeant. Mme Angela Merkel a parfaitement joué son rôle, elle aussi. Les droites européennes ont poussé à la surenchère. Mais tout le monde connaissait le principal enjeu politique: qui porterait la responsabilité d’une sortie de la Grèce de l’euro? En faisant ce qui apparait comme des concessions, Tsipras rejette clairement la balle dans le camp de Mme Merkel.

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