C’est l’année de tout les contrastes, mais aussi des incertitudes macroéconomiques pour l’Algérie de 2025. Une croissance de 4,5% et une inflation contenue à 2,2% en 2025, des chiffres qui rassurent en surface.
Pourtant, le déficit budgétaire record de 14-15% du PIB et l’effondrement de la balance commerciale révèlent les incohérences d’une politique économique menée à vue par le président Abdelmadjid Tebboune. Entre mesures contradictoires et gestion administrative des importations, l’année 2025 restera celle des occasions manquées.
Une croissance réelle mais fragile
Reconnaissons-le d’emblée : l’économie algérienne n’a pas sombré en 2025. La croissance du PIB a atteint 4,5% au premier trimestre, portée par les secteurs hors hydrocarbures, avant de se stabiliser à 3,9% au deuxième trimestre malgré la baisse pétrolière. Avec une politique de subvention de l’État sur les produits de large consommation, l’inflation a reflué à 2,2%, offrant un répit bienvenu aux ménages après des années de tensions sur les prix. Ces performances témoignent d’une certaine résilience, notamment dans l’agriculture et les services, secteurs qui continuent de créer de l’emploi et de la richesse.
Mais cette dynamique positive masque mal les failles structurelles d’une politique économique sans cap clair. Le président Tebboune multiplie les annonces -diversification, souveraineté économique, exploitation du fer de Gara Djebilet- sans traduire ces ambitions en réformes concrètes. Résultat : un déficit budgétaire qui explose entre 14 et 15% du PIB, financé par un endettement intérieur qui atteint près de 18 000 milliards de dinars, soit plus de la moitié du PIB. Cette fuite en avant budgétaire interroge sérieusement la capacité de l’État à tenir ses engagements à moyen terme.

Kamel Rezig et l’échec de la politique commerciale
Le déficit commercial de 711,5 milliards de dinars enregistré au premier semestre 2025 constitue le symbole le plus visible de cette incohérence. Depuis sa nomination en avril 2025 au poste de ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig a poursuivi une approche ultra-administrative des importations, multipliant les restrictions et les contrôles bancaires. L’objectif affiché était noble : porter les exportations hors hydrocarbures à 10 milliards de dollars à la fin 2025 et réduire la facture des importations.
Le résultat ? Tout l’inverse. Les importations ont bondi de 24% au premier trimestre 2025, tandis que les exportations hors hydrocarbures chutaient de 13,4%. La méthode Rezig, jugée trop bureaucratique par les opérateurs économiques, a créé des pénuries sectorielles, alimenté l’inflation et découragé les investisseurs privés. Les réserves de change ont fondu jusqu’à 47,1 milliards de dollars, une chute de plus de 20 Mrs USD sur un an, signe que cette politique n’a fait qu’aggraver les déséquilibres externes.
Des mesures symboliques face aux défis réels
Face à ces chiffres alarmants, le gouvernement a privilégié les annonces à fort impact médiatique. L’importation d’un million de moutons pour l’Aïd, une opération de plus de 200 millions de dollars, ou l’allocation touristique de 750 euros par adulte illustrent cette logique du « geste » politique au détriment de la cohérence budgétaire.
Ces dépenses, certes populaires, pèsent lourd sur un budget déjà exsangue et ne règlent en rien les problèmes de fond : dépendance aux hydrocarbures, faiblesse de l’appareil productif, inefficacité de la dépense publique.
Le marché parallèle des changes, où l’euro s’échange autour de 280 dinars contre moins de 150 au taux officiel, cristallise cette déconnexion entre discours et réalité économique. Tant que les autorités refuseront d’ajuster la valeur du dinar et de libéraliser progressivement les changes, le marché noir continuera de prospérer et les réserves de se vider.
Un embryon d’espoir du côté de la Bourse
Dans ce tableau morose, la Bourse d’Alger offre une note d’optimisme. Sa capitalisation a progressé pour atteindre 744,8 milliards de dinars en 2025, signe d’un intérêt croissant pour les marchés financiers. Certes, ce montant reste marginal à l’échelle de l’économie, mais il témoigne d’une évolution des mentalités et de l’émergence d’une classe d’investisseurs locaux. Si le gouvernement accompagnait ce mouvement par des réformes du cadre réglementaire et une ouverture accrue du capital des entreprises publiques, la Bourse pourrait devenir un véritable levier de financement de l’économie.
2025 aura finalement été l’année du grand écart algérien : des chiffres de croissance encourageants d’un côté, des déséquilibres budgétaires et externes inquiétants de l’autre. Sans changement de cap, l’Algérie risque de transformer cette croissance en trompe-l’œil en récession bien réelle.