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RSF 2025 : La dégringolade tunisienne masque le cauchemar de la presse en Algérie et au Maroc !

Par Maghreb Émergent
2 mai 2025

Le dernier classement mondial de la liberté de la presse publié aujourd’hui par Reporters Sans Frontières (RSF) à  l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse dresse un tableau alarmant au Maghreb. Les contraintes politiques et économiques s’aggravent, fragilisant des médias déjà sous pression. Cette double menace étouffe progressivement l’espace d’expression dans la région, où les trois principaux pays connaissent des trajectoires différentes mais convergent vers une restriction accrue des libertés journalistiques.

Algérie : Une répression systématique sous couvert de stabilité

L’Algérie occupe désormais la 139e place dans le classement 2025 de RSF, en recul de trois positions par rapport à l’année précédente. Cette dégradation continue confirme la tendance observée depuis l’arrivée à la présidence d’Abdelmadjid Tebboune en décembre 2019. Malgré les garanties constitutionnelles de l’article 54 sur la liberté de la presse, la réalité sur le terrain est tout autre.

Les organisations de défense des droits humains n’ont cessé d’alerter sur les violations des libertés et la fermeture progressive de tous les espaces d’expression. Le gouvernement a mis en place un système efficace de contrôle des médias, utilisant des méthodes variées allant des menaces de fermeture au chantage à la publicité publique. L’emprisonnement des journalistes est devenu plus fréquent qu’aucune période précédente, tandis que les poursuites judiciaires se multiplient contre ceux qui osent encore exercer un journalisme critique.

La fragilisation économique des médias indépendants complète ce dispositif de mise au pas, les rendant vulnérables aux pressions gouvernementales et limitant leur capacité à résister à l’influence des autorités.

Maroc : Une amélioration en trompe-l’œil

Le Maroc a réalisé un bond de quinze places dans le classement 2025 de RSF, passant de la 144e à la 129e position. Cette progression apparente masque cependant une réalité plus complexe. En 2023, le pays avait connu un recul historique de 9 places, signe d’une détérioration significative de la situation des journalistes.

La détention prolongée de journalistes comme Omar Radi et Souleiman Raissouni reste un symbole fort de la répression contre la presse indépendante. Le harcèlement judiciaire contre les voix critiques ne faiblit pas, malgré les discours officiels sur l’ouverture médiatique. Face aux critiques internationales, le gouvernement marocain adopte systématiquement une posture défensive, accusant RSF “d’être au service d’agendas qui n’ont aucun rapport avec le secteur de la presse dans le Royaume”.

Les journalistes indépendants subissent une pression continue, tandis que le pouvoir tente de mettre le secteur aux ordres. L’amélioration récente du classement semble davantage refléter un ajustement tactique qu’un changement fondamental dans l’approche des autorités vis-à-vis de la liberté d’expression.

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Tunisie : La chute brutale d’un ancien modèle

La Tunisie, longtemps considérée comme un modèle régional, connaît une dégradation spectaculaire et perd onze places (129e). Cette chute s’explique par la multiplication des poursuites et des peines de prison contre les journalistes depuis l’adoption du décret-loi 54 en 2022, qui criminalise la diffusion de « fausses informations » sur Internet.

L’illustration la plus marquante de cette dérive est la condamnation, le 5 février 2025, de la journaliste Chadha Hadj Mbarek à cinq ans de prison ferme dans le cadre de l’affaire Instalingo. Arrêtée une première fois en 2021, puis relâchée après l’abandon des charges en 2023, elle a finalement été de nouveau incarcérée sur décision de la chambre d’accusation, pour « complot contre la sécurité extérieure de l’État » et « offense au président de la République ». Son état de santé s’est détérioré en détention, suscitant l’inquiétude du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui dénonce une atteinte grave au travail journalistique et annonce faire appel de cette lourde condamnation.

Ce cas n’est pas isolé : selon le dernier recensement du CPJ, au moins cinq journalistes sont actuellement derrière les barreaux en Tunisie, un record depuis 1992. Au total, près de quarante professionnels des médias ont fait l’objet de poursuites judiciaires depuis mai 2023, dans un contexte d’état d’urgence prolongé et de durcissement législatif. Cette vague répressive, qui s’appuie sur des lois antiterroristes et des décrets liberticides, a brisé l’élan démocratique né après 2011 et installe un climat de peur et d’autocensure dans les rédactions.

Les critères du classement RSF

Le classement RSF repose sur cinq indicateurs principaux : contexte politique, cadre légal, contexte économique, environnement socioculturel et sécurité. L’ONG prend en compte non seulement les atteintes directes aux journalistes, mais aussi les lois restrictives, la censure, la pression économique, les obstacles à l’accès à l’information et les menaces ou violences physiques. Cette méthodologie globale permet de mesurer la liberté de la presse au-delà des seules violences, en intégrant toutes les formes de pressions qui entravent le travail des journalistes et l’accès du public à une information indépendante.

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