Dans un entretien exclusif accordé à Maghreb Emergent, M. Sami Hamrouni, président de l’Organisation mondiale des zones franches et co-président de l’Alliance mondiale des zones économiques spéciales (GAZES) des Nations Unies, partage son point de vue sur l’attractivité de l’Algérie pour les investissements étrangers.
Entretien réalisé par N. Nehlil
Maghreb Emergent : Pensez-vous que l’Algérie a mis toutes les chances de son côté pour attirer les investissements ?
M. Sami Hamrouni : Pour qu’un pays attire des investisseurs, deux conditions de base sont nécessaires : la première est la stabilité politique et juridique. L’Algérie a atteint cette stabilité ces dernières années. Le deuxième pilier concerne le cadre des affaires. Si je suis un investisseur et que je constate une stabilité dans un pays, ainsi qu’une opportunité d’affaires, je ne devrais pas attendre un mois pour enregistrer mon entreprise. Des démarches bureaucratiques trop lourdes ne vont pas m’inciter à investir, d’autant plus que nos voisins – et concurrents – ont déjà résolu ce problème.
Vous savez, il y a entre 130 et 180 pays actifs dans le monde, et l’Algérie est classée 95e dans l’indice de complexité des affaires, ce qui ne devrait pas l’être pour un pays comme l’Algérie. Cela montre l’urgence d’agir. Ensuite, qu’il s’agisse de créer des zones franches ou des zones économiques spéciales, c’est au pays de décider. Pour mettre en place des zones franches, il faut moderniser les douanes. S’il s’agit de zones économiques, il faut bien étudier les avantages juridiques et fiscaux à offrir.
Pensez-vous que le code d’investissement récemment modifié pour rendre l’Algérie plus attractive n’est pas suffisant ?
Chaque pays connaît sa réalité. Nous avons désormais une loi, elle existe, il faut la mettre en œuvre. Il faut se lancer. L’Algérie doit se faire valoir à l’international. Elle doit être présente partout dans le monde. Je travaille à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, et une chose que j’ai apprise là-bas, c’est qu’on ne dépense jamais assez en marketing. Il faut vendre l’image du pays. Qu’est-ce qui nous manquait ? Une stabilité politique et juridique ? Nous l’avons. Une loi sur l’investissement ? Nous l’avons aussi. Alors, améliorons le cadre des investissements et des affaires, et lançons-nous.
Selon vous, l’Algérie n’est pas assez visible sur la scène internationale ?
Non, écoutez, je voyage régulièrement à travers le monde, et je n’ai jamais croisé de délégation algérienne. Je voyage deux fois par mois. J’étais récemment au Nigeria, en Chine, etc. L’Algérie doit se montrer au monde, et elle a tous les moyens pour le faire. Le succès, c’est penser grand – c’est ce que nous avons fait avec notre stabilité politique et la nouvelle loi sur l’investissement – et ensuite commencer modestement pour croître rapidement. Voilà ce que l’Algérie doit faire.
Pensez-vous que la création de zones franches soit une bonne solution ?
L’Algérie doit diversifier son économie. Nous sommes tous d’accord là-dessus. Partout dans le monde, les zones franches ont été utilisées par de nombreux pays pour diversifier leurs économies. Cela concerne aussi bien les pays riches en ressources naturelles et énergétiques que les pays pauvres. Cependant, l’utilisation de ces zones doit s’inscrire dans une stratégie nationale.
L’Algérie dispose de grandes capacités et d’une position stratégique. Autour de l’Algérie, il y a cinq ou six pays qui n’ont pas accès à la mer. Ils ont besoin de l’Algérie. Mais il ne faut pas oublier que la position stratégique de l’Algérie est similaire à celle du Maroc, de la Tunisie et de la Libye. Il faut donc agir vite.